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je ne quitterai pas Harlem aujourd’hui, je me repose, j’en ai besoin. La ville est d’une propreté proverbiale.

La propreté à ce degré est une manie : on voit les domestiques laver les façades des maisons du haut en bas, avec des pompes portatives ; les vitres luisent comme de l’acier poli. On n’ose pas cracher dans les rues. Les environs sont délicieux, on y rencontre à chaque instant des motifs de paysages qui rappellent les tableaux connus. Vous savez tout cela, je n’y insiste pas, et je termine ce bavardage trop long, qui vous a donné mes impressions d’ignorant pour vous distraire, nullement pour vous renseigner.


Harlem, jeudi (sic), 31 août 1876.

Madame et excellente amie,

J’ai reçu hier, à huit heures et demie du soir, la lettre que vous m’avez adressée et qui porte sur le timbre de Dijon la date du 29 ; je vous donne ces renseignemens pour que vous sachiez comment me sont remises les lettres. J’ai été ravi d’avoir cette gracieuse visite, je dis visite, car l’écriture est un peu de la personne ; on le sent surtout à l’étranger. Notre voyage se passe assez bien ; le temps est très variable ; il y a des grains et des coups de soleil qui se succèdent sans cesse ; il pleut surtout la nuit.

Nous voilà fixés à Harlem, nous en partirons samedi matin, Lefebvre y restera deux jours de plus pour finir sa copie de Hals et nous rejoindra à la Haye. Il ne nous accompagne pas dans nos excursions, il a déjà fait le voyage et n’est venu ici que pour faire sa copie. Nous sommes déjà allés deux fois à Amsterdam et nous n’avons pu tout voir encore ; je m’y suis tellement fatigué, la première fois, que je n’ai pu, le lendemain, suivre Lafenestre à la Haye, mais nous y retournerons lundi.

Je suis dans un continuel malaise, quoique fort bien installé ; le changement de régime et d’habitudes me rend plus sensibles ; mes misères ordinaires. L’art est si intéressant dans ce pays qu’on peut bien souffrir un peu pour le connaître. Je trouve enfin un art représentatif, sinon aussi poétique qu’on pourrait