Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 6.djvu/758

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

saches que De Launay a écrit à Melegari au sujet de ta visite à Bismarck, et lui a fait connaître les paroles dites par Bismarck à Andrassy. Ces paroles sont désormais devenues pour nous un programme, à la réalisation duquel il faudra nous employer. D’autre part, nous ne connaissons pas la réponse d’Andrassy, et il est certain qu’à Vienne nos exigences rencontreront une très vive opposition. Aussi faudra-t-il, de notre part, beaucoup d’habileté, beaucoup de fermeté, et aussi un peu de chance pour réussir.

Les observations faites par toi à Bismarck sur ce sujet, il faudra que tu les fasses avec grande prudence à Derby. Avec l’Angleterre nous avons maints intérêts communs, et aucun intérêt contraire. Très vif est notre désir de nous maintenir en parfait accord avec elle. Et tel est aussi notre intérêt, puisque, au cas où nous serions engagés dans une guerre, l’amitié de l’Angleterre serait la sécurité de nos places fortes aussi bien que de nos grandes villes.

En t’entretenant avec les hommes d’Etat anglais, lu pourras aborder un sujet délicat, mais qui ne devra être développé que s’il se présente une occasion propice, et toujours en y employant une prudence extrême.

Dans ces derniers temps, nous avons été mal jugés par une partie de la presse anglaise. On y a exprimé le soupçon d’une alliance de l’Italie avec l’Autriche, alliance qui n’a jamais existé dans la pensée de personne. Tout récemment, le Foreign Office a publié un décret sur les passeports que les sujets anglais étaient invités à retirer lorsqu’ils voulaient se rendre en Italie. Cette annonce est un outrage immérité à l’Italie et à son gouvernement, qui toujours ont accueilli et toujours accueilleront les sujets britanniques avec la plus grande sympathie. Et puis, est-ce que nous ne sommes pas les adversaires du Saint-Siège, qui est le plus ancien ennemi de l’Angleterre ? Or, bien des personnes en Italie croient que tous ces bruits dépendent en grande partie d’une seule et même personne. Le fait est que nous n’avons pas le bonheur de posséder les sympathies du présent ambassadeur anglais à Rome, qui est un ami intime de nos adversaires politiques.

Sur ce point, comme aussi sur celui de quelques mots dits par toi là-dessus à notre ambassadeur de Londres, je m’en remets à ta prudence.