Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 6.djvu/740

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

me fixer l’heure dans laquelle je pourrai avoir l’honneur de vous voir[1].

En attendant, etc. Le prince de Bismarck envoie aussitôt son secrétaire pour s’excuser de ne pouvoir pas venir en personne, à cause de sa mauvaise santé, et pour me faire savoir qu’il peut me recevoir sur-le-champ.

Le prince de Bismarck demeure sur la rive droite, dans une modeste maison appartenant à l’hôtel Straubingen, où nous arrivons en quelques minutes. On me fait monter au premier étage. Le prince est dans son cabinet, qui donne sur le palier, vis-à-vis de l’escalier. Dans la pièce se voient quelques sièges, une table, un magnifique poêle de porcelaine ; et, étendu tout près de son maître, un superbe chien. Sur la table repose un petit pistolet à crosse blanche.

Dès que la porte s’ouvre, le prince se lève et vient au-devant de moi en m’offrant la main.

— Je suis heureux, Altesse, de pouvoir faire votre connaissance personnelle.

— Nous nous connaissons de longtemps !

— Oui, Altesse ; mais c’est aujourd’hui seulement que j’ai le bonheur de vous voir et de vous serrer la main. Étant venu en Allemagne, je ne pouvais en repartir sans vous avoir offert les saluts de mon roi, et je vous remercie cordialement de m’avoir autorisé à venir vous trouver jusqu’ici.

— Quelles nouvelles m’apportez-vous d’Italie ? Avez-vous été en France ? Que dit-on à Paris ?

— A Rome, on se préoccupe de la probabilité d’une guerre, au cas où les prochaines élections politiques françaises donneraient la victoire au parti réactionnaire. Et puis nous ne sommes plus aussi sûrs de l’Autriche, dont la conduite n’est pas du tout amicale à l’égard de notre gouvernement. Vous nous avez fait dire, par la baronne Keudell, que vous voudriez resserrer de plus en plus les liens d’amitié avec notre pays ; et c’est pourquoi je suis venu, sur l’ordre du Roi, pour vous parler de plusieurs choses.

La première est d’un intérêt tout particulier pour l’Italie et l’Allemagne ; les autres sont de nature internationale.

  1. Tous les mois imprimés en italique sont en langue française dans le texte original.