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réunies en Congrès national, nommeraient un nouveau président. Gambetta, précédemment, m’avait dit la même chose.

Mais en adviendra-t-il ainsi maintenant que la mort de Thiers fait disparaître le candidat dans lequel avaient pleine confiance les conservateurs qui ont accepté la République ? Les républicains répondent que oui, et, à lire leurs journaux, on en déduirait que, après la très grave perte que vient de subir le pays, tout continuera régulièrement et suivant leurs désirs.

Je l’espère et le souhaite : mais ma foi est bien ébranlée. Et si les ministres et le président ne veulent pas se démettre ?

Les républicains déclarent qu’ils refuseront de voter le budget.

Et si le gouvernement fait un coup d’Etat ?

Thiers ne le craignait point, et parce que l’armée ne s’y prêterait pas, et parce que Mac Mahon en est incapable, par pauvreté d’intelligence et de moyens personnels. Gambetta ajoute que, au cas d’un coup d’Etat, l’armée se diviserait en deux camps, et qu’il pourrait en résulter la guerre civile.

Quoi qu’il en soit, et quels que puissent être les événemens, considérons-les de notre point de vue italien :

Les républicains et les réactionnaires affirment pareillement qu’ils veulent être amis avec l’Italie, et qu’ils ne tenteront rien contre elle. Je le crois pour ce qui est des premiers, j’en doute pour ce qui est des seconds.

J’en doute pour ce qui est de ceux-ci parce que le comité dont s’inspire l’Elysée est clérical, et parce que l’organe des réactionnaires est le Figaro, qui a tant insulté notre pays et notre Roi…

Je ne dis pas que dès demain ils nous feront la guerre, parce que tous les partis politiques, sans exception, ont une peur salutaire du prince de Bismarck, qui, croient-ils, ne nous laisserait pas seuls. Mais il n’en est pas moins certain qu’ils en chercheraient l’occasion, et saisiraient le moindre prétexte pour commencer une querelle avec nous.

Et voici ce qu’il m’a été donné de constater : dans toutes les classes de la nation s’est enracinée l’opinion que l’Italie veut faire la guerre à la France. J’ai combattu cette opinion devant tous ceux qui me l’ont manifestée ; mais force m’a été de comprendre que ceux qui ont été les premiers à la répandre ont eu en tête de se préparer ainsi un motif auprès du peuple français,