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sa liberté. Il a ajouté que tel serait aussi l’avis du cardinal Guibert, depuis son retour de Rome.

Et maintenant je termine cette longue lettre en me disant, de Votre Excellence,

Le très dévoué et affectueux ami.

F. CRISPI.


Paris, 5 septembre 1877.

Mon cher Depretis[1],

Le 2 du mois courant, je t’ai envoyé une lettre officielle, à laquelle fait suite et complément la lettre ci-jointe. Je l’ai écrite de telle façon que tu pourras, si tu veux, après en avoir pris copie, la remettre au ministre des Affaires étrangères. Et maintenant, laissons de côté le patois officiel, et causons en vieux amis et patriotes !

J’ai vu les principaux hommes politiques d’ici, et notamment Gambetta, avec qui je suis resté longtemps, et avec qui j’ai dîné le 3 de ce mois. J’ai pu ainsi me faire une opinion exacte des choses françaises, et en connaître, autant que possible, les intentions.

La France traverse une crise terrible, dont il est difficile de prévoir la fin. Le gouvernement actuel représente une minorité imperceptible ; mais il reçoit l’inspiration d’un comité bonapartiste, audacieux et sans scrupules ; et il a dans son sein une paire d’individus, eux aussi, audacieux et sans scrupules.

Les républicains se disent assurés de la victoire aux prochaines élections générales ; et la même opinion a été exprimée devant moi, il y a deux jours, par certains conservateurs qui m’ont déclaré franchement : Nous serons battus. Je doute que ces convictions se maintiennent après la mort de M. Thiers, arrivée avant-hier ; ou tout au moins je doute que l’importance de la victoire républicaine puisse être telle qu’on la prévoyait avant cette fatale catastrophe. Mais si la défaite du gouvernement se produit pourtant, que verrons-nous à la réunion des Chambres ?

M. Tbiers me disait, dans notre entretien du 31 août, qu’après cette réunion, les ministres et le Président de la République donneraient leur démission, et qu’alors les deux Chambres,

  1. Cette lettre, d’un caractère tout Intime, s’accompagnait d’une lettre officielle qu’on trouvera plus loin.