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des articles, les discours ne pourraient durer qu’un quart d’heure. Celui qui met un frein à la fureur des flots semblait seul capable d’arrêter l’inondation d’éloquence parlementaire sous laquelle la tribune a presque sombré l’année dernière : cependant la Chambre s’est juré d’y réussir, et son effort a produit quelques résultats. Un serait même tenté de dire que si la discussion du budget a été interminable l’année dernière, elle est bâclée cette année-ci : il faut prendre la moyenne des deux années pour obtenir une durée satisfaisante. Malgré tout, il sera très difficile de voter définitivement le budget avant le 1er janvier, car rien ne sert de courir, il aurait fallu partir à point. Les Chambres ont été réunies, en octobre, huit ou quinze jours après la date habituelle, et le renouvellement triennal du Sénat, qui doit avoir lieu le 7 janvier, obligera le tiers des sénateurs à se mettre en campagne dès les premiers jours de décembre. La séance extraordinaire d’automne aura été raccourcie par les deux bouts : comment pourrait-elle produire un rendement complet ? Résignons-nous à un douzième provisoire.


L’inconvénient ne sera pas bien grand : il y en aurait un très sérieux, au contraire, à ce que les Chambres se séparassent avant d’avoir voté le traité avec l’Allemagne. C’est d’ailleurs une perspective que personne n’envisage comme vraisemblable, mais il faut bien constater que, si la Chambre va très vite dans la discussion du budget, sa Commission des affaires extérieures met une lenteur extrême à étudier le traité, à l’examiner longuement sous toutes ses faces, à multiplier les interrogatoires des ministres, tantôt de celui des Affaires étrangères, tantôt de celui des Colonies, tantôt du président du Conseil, sans se décider à prendre un parti. Un jour pourtant la Commission a paru faire un grand pas : elle a nommé un rapporteur. Mais nous ne savons pas encore ce que ce rapporteur rapportera. Situation singulière ! D’habitude, une commission nomme son rapporteur quand elle a terminé ses travaux et fixé ses résolutions : aujourd’hui, par une interversion hardie, on commence par nommer le rapporteur et on s’occupe ensuite de lui fournir l’objet à rapporter. Cette méthode nouvelle ne se recommande par aucun avantage : elle fait jouer au rapporteur un rôle subalterne et témoigne très fâcheusement des embarras d’une commission qui veut avoir l’air de faire quelque chose alors qu’elle n’a encore rien fait de décisif. A mesure que son incertitude se prolonge, celle du pays augmente, celle de l’Europe aussi, ce qui est regrettable et pourrait devenir dangereux.