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Les deux images vont se dresser successivement devant nous. Si différentes qu’elles paraissent, ne croyons point qu’elles évoquent deux personnages très distans.

Certes entre le jeune helléniste que nous verrons revenir d’Athènes, ivre de la plus noble volupté, et le jeune soldat qui remettra, quelques mois après, frémissant de colère, l’épée au fourreau, il y a eu plus d’une année de vie. Ne nous y trompons point cependant : le charme d’Henry Houssaye, — homme et écrivain, — c’est qu’à travers les avatars de sa carrière et les complexités de sa nature, il resta fidèle aux deux causes qui, à l’aurore même de sa belle existence, avaient sollicité son âme, fait battre son cœur et inspiré sa plume : la cause de la Beauté et celle de la Patrie.

Si des études fort différentes occupèrent ses jours, — de 1867 à 1910, — lui faisant en quelque sorte deux vies successives, l’historien de Napoléon ne brûla jamais ce que, sur l’Acropole, il avait adoré. Sortant des combats de 1871, il reprendra la plume pour consacrer de nouveaux volumes à la bien-aimée Hellade et même, lorsque, longtemps après la guerre, un hasard l’aura, pour notre fortune, jeté dans l’étude de l’histoire impériale, Homère restera ouvert, à côté du Mémorial, sur sa table de travail.

Son âme généreuse qui s’était, devant le Parthénon, épanouie au contact de la grande Beauté, ne s’en déprendra pas. Prématurément épurée, fortifiée par l’épreuve de la Patrie, elle se transformera sans rien renier. A la lueur des combats, Houssaye aura simplement découvert une beauté supérieure à cette splendeur de l’art pur qu’en 1869, il proclamait supérieure à toutes : celle qui jaillit des grandes actions et des sacrifices héroïques. La constante noblesse de ce cœur fait l’unité de cette vie, en apparence disparate, et de ce caractère complexe.


Caractère complexe : lui-même se découvrait et avouait « des sentimens contradictoires. » Et nous les lui connaissions. Il était aristocrate d’esprit et démocrate de sentiment, de goût raffiné et de cœur simple et, portant dans le « monde » un masque légèrement sceptique et comme un peu railleur, il se révélait, dans les entretiens familiers, homme de foi, passionné jusqu’à la violence.