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spéciaux, et parfois corrige la première, la grande Encyclopédie, où des gens de métier avaient sans doute collaboré, mais qui demeurait pourtant une œuvre de philosophes. La préface mise en tête de la série de huit volumes où il est traité des arts et métiers, tout en rendant hommage à l’intention de Diderot, ne dissimule ni les lacunes ni les fautes de l’exécution, ni les « confusions » ni les « erreurs », et en tire même un des motifs de l’entreprise nouvelle. « Il n’y a encore, peut-on y lire, aucune collection, quelles que soient les grandes tentatives faites ailleurs, où les arts et métiers mécaniques soient plus complets, plus développés et mieux présentés. Elle renferme la description de plus de 300 arts et métiers dont les procédés sont en général décrits avec assez de soin dans le texte, et exposés sous toutes leurs formes dans des planches nombreuses et très soignées. Cependant, il faut convenir que, malgré les justes éloges que l’on a donnés à la partie des arts et métiers, on y trouve les défauts presque inséparables de la difficulté des premières recherches, et de l’embarras d’une foule d’objets qu’il falloit en quelque sorte défricher et faire sortir des ténèbres dont ils étoient enveloppés. » Au demeurant, l’hommage rendu à l’effort de Diderot est si sincère que la préface des Arts et métiers de l’Encyclopédie méthodique consiste presque toute dans la simple reproduction de l’article Art de l’Encyclopédie ; et c’est ce qui m’a fait réserver pour cette place les quelques lignes que j’en voulais citer, afin de montrer que l’influence de l’Encyclopédie s’est prolongée et exercée par d’autres œuvres que l’Encyclopédie elle-même ; qu’elle a décidément créé un état d’esprit, et que cet état d’esprit tend avec persévérance à créer un état de société très différent de l’ancien. « Cette distinction, avait écrit Diderot, et l’Encyclopédie méthodique le répète trente ans après, en 1782 (la distinction entre les arts libéraux et les arts mécaniques), quoique bien fondée, a produit un mauvais effet, en avilissant des gens très estimables et très utiles, et en fortifiant en nous je ne sais quelle paresse naturelle qui ne nous portoit déjà que trop à croire que donner une application constante et suivie à des