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l’accommodement avec sa mère que Louise lui avait offert d’essayer à deux ou à trois. Il y échoua, mais il n’en fut pas moins bien récompensé, à la fois par une commission de capitaine de dragons a la suite et par sa présentation à la Cour. La seule compensation de Louise fut de régner désormais sans partage dans les conseils de sa mère qui, moyennant des subsides pour plaider contre l’Ami des Hommes, lui promettait d’inscrire sur son testament toutes les reconnaissances possibles : autant en emportait le vent.

En juin 1772, Mirabeau épousa Mlle de Marignane. Il y avait alors plus de six mois qu’il vivait à Aix ou aux environs pour y faire sa cour, sans s’être rapproché franchement de Louise et sans l’avoir vue. Elle assista pourtant avec Jean-Paul à ses noces. M. de Saint-Cézaire, le lieutenant de vaisseau et beau-frère de M. de Cabris, y représentait l’Ami des Hommes absent, avec tous ses pouvoirs. Mirabeau s’étant porté contre ce galant homme à des récriminations suivies de voies de fait, Louise condamna sévèrement sa brutalité, et ils se séparèrent brouillés là-dessus. Cette brouille dura deux années.

Dans cet intervalle, l’existence de Louise ne connut pas moins d’agitations que celle de son frère. Le vieux marquis de Cabris était mort en janvier 1771, léguant à son fils tous ses biens, et le 3 mai suivant, Louise avait mis au monde une fille. Jean-Paul avait mis à profit ce double événement pour s’émanciper de toutes les manières. On ne le voyait plus distrait, apathique et inoccupé comme naguère. Par malheur, son effervescence subite le rendait irascible, agressif et désordonné. Il tournait le dos à ses sœurs et beaux-frères qui lui réclamaient, peut-être indûment, il est vrai, de gros supplémens de légitime ; il secouait avec rudesse l’autorité maternelle ; il s’attaquait à ses pauvres vassaux ; il allait se dissiper grossièrement à Paris ; il attisait la guerre entre le marquis et la marquise de Mirabeau, en prêtant à celle-ci vingt mille livres qu’il prétendait récupérer ensuite sur le bailli, en lui réclamant l’acquittement immédiat des trente mille livres promises à sa femme en la mariant, dans les conditions qu’on se rappelle ; il entreprenait la construction ruineuse d’un nouvel hôtel dont l’emplacement était à dessein choisi pour couper de ses jardins et de sa belle vue sur la mer le vieil hôtel paternel où la douairière de Cabris continuait d’habiter ; enfin, Jean-Paul s’abandonnait à tant et à