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la surveillance et la conservation des poudres à bord. Croit-on que la parole est aux marins ? Elle est à l’Artillerie navale, qui va chercher ses inspirations auprès du service poudrier. Si bien que le nouveau règlement, appliqué depuis 1908, n’est qu’une affirmation plus rigoureuse que jamais de la valeur des épreuves ; et c’est sur elles, en dernière analyse, qu’il fait jusqu’à ce jour reposer toutes les règles de sécurité concernant les munitions de la Marine.


V

Après la Liberté, on ne peut plus croire au dogme de l’homogénéité par lots. Après l’affaire Maissin, on ne peut plus croire à la bonne fabrication des poudreries françaises. Toujours aveuglés par leur confiance dans les épreuves de stabilité, les poudriers ont pensé, ont écrit que les poudres au même indice d’alcool amylique présentaient les mêmes garanties, si elles avaient résisté pendant le même nombre d’heures à 110°, quelles que fussent les impuretés de la matière première et l’histoire des munitions en cause. En particulier, ils crurent pouvoir faire emploi de cotons de qualité douteuse, et laisser à un personnel de manœuvres les manipulations et la surveillance matérielle de matières enfermant pourtant en elles des forces si redoutables. Aussi vient-on de trouver dans les munitions débarquées après l’explosion de la Liberté, les choses les plus étranges : résidus de cigarettes, bouts d’allumettes, etc. Dans un flacon-témoin du cuirassé Bouvet, dont la poudre venait du Pont-de-Buis, vivait grassement un ver blanc. On admit enfin le radoubage et le remalaxage. Le radoubage consiste dans une humectation nouvelle par l’alcool, le remalaxage en une remise en pâte par action du dissolvant alcool-éther, avec renouvellement de toutes les opérations subséquentes de la fabrication. Comme le consommateur regardait d’un mauvais œil l’une et l’autre de ces pratiques, il fut décidé qu’une marque portée sur l’étiquette et comprenant les lettres Rem ou Rad désignerait à une surveillance spéciale les poudres remalaxées ou radoubées en leur entier. Cette surveillance spéciale consistait tout simplement à exiger vingt heures aux épreuves de stabilité au lieu de douze ou de quinze.

Mais la raison d’économie, économie assez mal placée en