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plus de gloire que de profits, mais qui sont des titres dignes d’être respectés. Enfin il y avait l’Angleterre dont le concours amical nous était nécessaire, et l’Angleterre s’intéressait à l’Espagne pour deux motifs principaux : le premier est qu’elles avaient l’une et l’autre fait souvent politique commune au Maroc ; le second est que l’Angleterre n’aurait pas accepté qu’une puissance aussi forte que la France s’établît sur le rivage septentrional du Maroc en face de Gibraltar. C’est là un axiome de sa politique que M. Delcassé connaissait fort bien et dont les motifs n’échappaient pas à sa perspicacité. Nous avons une tendance malheureuse à raisonner comme si nous étions seuls au monde, sans tenir ou même sans nous rendre compte des intérêts des autres. Il est pourtant très naturel que l’Angleterre se préoccupe, comme d’une question vitale pour elle, de pouvoir toujours entrer dans la Méditerranée. Nous, au contraire, nous y sommes ; nous y possédons des ports magnifiques, soit en Europe, soit en Afrique ; nous n’avons donc pas la même préoccupation. La seule que nous puissions éprouver est d’avoir des poijts sur l’Océan, en Afrique comme en Europe, et nous les aurons demain.

On le voit, les intérêts de l’Angleterre, de l’Espagne, de la France pouvaient fort bien s’accorder et ils se sont accordés en effet à la suite de négociations auxquelles les trois puissances ont participé. De là est venu notre traité avec Madrid. Il nous enlève une partie du Maroc, mais ce n’est ni la plus belle, ni la plus riche, ni la plus utile pour nous ; et si nous avons le bon esprit de rester les amis de l’Espagne, il nous aura peut-être imposé une gêne, il ne nous aura pas créé un danger. Si nous ne restions pas les amis de l’Espagne, l’avenir montrerait ce quïl faudrait penser d’une politique qui nous aura donné pour voisins en Afrique deux de nos voisins d’Europe susceptibles d’entrer dans des coalitions contre nous. Nous entendons dire souvent, nous Usons dans beaucoup de journaux que la possession du Maroc nous était indispensable pour assurer la sécurité de l’Algérie. La sécurité de l’Algérie n’a jamais été mieux assurée que lorsque notre grande colonie avait pour voisins, d’un côté la Porte faible et impuissante, de l’autre le tampon barbare et impénétrable de l’empire marocain. Les difficultés de frontières étaient des faits insignifians qui occupaient nos officiers et les maintenaient en haleine. Nous aurons désormais pour voisins les Itahens et les Espagnols : il est douteux que la sécurité de l’Algérie y ait gagné.

C’était là cependant la conséquence inévitable de la politique