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liorés. Nous souhaitons beaucoup que ces prévisions se réalisent, sans en être aussi sûr que l’est ou que veut l’être M. Caillaux. Qu’on lise les journaux français, qu’on Use surtout les journaux allemands : les premiers sont très réservés, ils se demandent encore ce qu’ils doivent en fin de compte penser du traité ; pour les seconds, la déception est grande, et elle s’exprime avec toutes les formes de la colère. L’opposition est générale : elle s’est manifestée au Reichstag avec une véhémence dont nous parlerons plus loin. Les procédés du gouvernement allemand sont en grande partie responsables de cet état de choses, soit en France où ils ont causé des froissemens inutiles, soit en Allemagne où ils ont très imprudemment fait naître des espérances qui ne devaient se réaliser qu’en partie. Ce qu’on a appelé le « coup d’Agadir » a été une faute. L’opinion française, se jugeant atteinte dans sa dignité, a réagi avec un sentiment unanime dont tout le monde a été frappé. Quant à l’opinion allemande, n’était-elle pas en droit de penser qu’une affaire ainsi commencée devait être poussée jusqu’au bout avec la brutalité initiale, quelles qu’en dussent être les conséquences ?

Telles n’étaient pas toutefois les intentions du gouvernement impérial, la suite des négociations l’a prouvé. La diplomatie allemande a été pointilleuse, minutieuse, difficultueuse au possible, mais elle n’a pas été intransigeante. Quand on met en regard ses prétentions premières et les réalisations définitives auxquelles elle a consenti, on constate entre les unes et les autres un écart assez considérable pour que nous puissions nous féliciter de ce qu’a eu d’efticace l’action de notre propre diplomatie. Sans doute le pays reste frappé de servitudes économiques ; le principe de l’égalité, posé au frontispice de toutes ces négociations, y demeure intact ; mais si nous étions résignés d’avance à faire cette concession à l’Allemagne, nous étions résolus à lui demander en retour et à obtenir d’elle une renonciation à toute action politique. Cette renonciation, l’avons-nous obtenue ? Une lecture attentive du traité permet de répondre affirmativement. Nous ne savons pas pourquoi le traité ne contient pas le mot de protectorat, qu’on a mis, parait-il, dans une lettre explicative, mais la chose importe plus que le mot, et la chose est comprise tout entière dans le traité. Un protectorat avec tous ses organes essentiels, politiques, administratifs, financiers, judiciaires, militaires, diplomatiques, y apparaît nettement. Seul, l’article relatif à la suppression des juridictions consulaires et à l’établissement de tribunaux français manque de clarté dans sa rédaction, mais les précé-