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esprit, autrefois si vif et d’une allure si mâle, s’était obscurci et troublé, et ses forces physiques l’abandonnaient peu à peu. La mort n’a emporté que son ombre. Il laisse une œuvre importante, que ce n’est pas encore aujourd’hui le moment d’apprécier, et dont nous nous contenterons de dire qu’elle a renouvelé, en la précisant par de nombreux détails puisés aux sources les plus sûres, l’histoire des dernières années du premier Empire, depuis la campagne de France en 1814 jusqu’à la seconde abdication. L’épopée impériale parlait puissamment à son imagination de patriote, mais sa conscience d’historien n’en était nullement atteinte, et s’il témoignait une admiration enthousiaste à ce qui est vraiment admirable dans Napoléon, il savait aussi découvrir ses fautes : le respect pour le génie et le malheur n’altérait pas la fermeté de son jugement. Après avoir étudié la période de déclin, douloureuse et sombre, il avait voulu remonter aux jours heureux et lumineux où Napoléon disposait de toute sa force et quelquefois en abusait : il a laissé un récit inachevé de la campagne d’Iéna et c’est de ce récit que nous avons donné un fragment où l’on a pu retrouver toutes les qualités de l’historien et de l’écrivain. Mais il fallait connaître l’homme lui-même pour savoir tout ce qu’il y avait en lui de charmant et de séduisant ; nul n’a été plus sûr dans ses relations, ni plus fidèle dans ses amitiés : la sympathie allait à lui, comme elle en venait, avec une réciprocité naturelle. La génération à laquelle il appartenait a déjà été cruellement éprouvée. Vogué, Vandal ont disparu peu de temps avant lui. C’est ici surtout, dans cette maison qui a été la leur, dans cette Revue où a paru la meilleure partie de leur œuvre, qu’ils laisseront de profonds regrets.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.