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vingt sous par jour, tandis qu’un Simon Marmion ne reçoit que douze sols. En 1461, sa ville natale lui paie l’étofîage d’une statue du beffroi et enfin en 1468, parvenu sans doute au faite de sa réputation, nous le trouvons à Bruges où les meilleurs peintres des Pays-Bas étaient rassemblés pour décorer luxueusement la ville à l’occasion des noces de Charles le Téméraire et de Marguerite d’York. Daret a-t-il vraiment dirigé les travaux ? On l’a affirmé, puis contesté. « A Jaques Daret, — disent les comptes de Bourgogne, — maistre pointre demourant à Tournay, conduiteur de plusieurs autres pointres soulz lui, payet pour XVI jours qu’il a ouvré de son mestier aux entremetz au pris de XXIII s. pour son salaire et III s. pour sa dépense de bouche. » Il touche donc 27 sols par jour ; un maître ouvrier de la ville de Bruxelles, Frans Stoc, jouit seul d’un traitement semblable, tandis que Hugues van der Gous, maître il est vrai depuis un an seulement, ne recevait que 14 sols par jour. Après ces fêtes de Bruges qui nous font connaître l’importance de Jacques Daret, l’artiste tournaisien cesse de figurer dans les textes. Un critique belge, M. Hulin de Loo, le fit sortir d’un oubli séculaire en s’appliquant à démontrer dans son Catalogue de l’Exposition des Primitifs de Bruges (1902) que le « maître de Flémalle » n’était autre que Jacques Daret.

Le peintre puissant et anonyme sur qui M. von Tschudi eut le mérite de retenir l’attention dès 1898[1], occupe à présent une place importante dans l’art flamand à côté de Roger van der Weyden, son grand contemporain. Le « maître à la Souricière, » tel est le premier nom qui fut donné au peintre inconnu parce que l’un des volets de son fameux triptyque de Mérode nous montre saint Joseph fabriquant des trappes à souris en bon escrimer médiéval. Le nom de « maître de Mérode » parut ensuite devoir s’imposer. Mais comme M. von Tschudi croyait que les pages capitales conservées à l’Institut Staedel provenaient de l’ancienne abbaye de Flémalle au pays de Liège, il adopta la désignation de « maître de Flémalle » qui a prévalu. L’étiquette de « maître de Mérode » était plus sûre ; celle de « maître à la Souricière » plus jolie et plus caractéristique ; celle de « maître de Flémalle » a seule rencontré la grande popularité. Ce n’est pas sans raison pourtant que l’on

  1. Jarbuch der Königlich preussischen Kunstsammlungen, fasc. I et II. Berlin, 1898.