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temps la célèbre cuve baptismale en bronze attribuée aujourd’hui à l’orfèvre Renier, — Renerus aurifaber, — citoyen notable de Huy, sous le règne du prince évêque de Liège, Alberon Ier, vers 1125. On voit à l’exposition de Charleroi une reproduction de ce chef-d’œuvre dont les flancs se peuplent de figurines en haut relief modelées avec une suavité et une force dignes d’un Andréa Pisano. La vallée de la Meuse sera la patrie des arts du métal ; ce morceau de haut style le prouve et annonce les brillantes destinées de la dinanderie, — travail du laiton et du cuivre. Qui ne sait la prospérité de cette industrie artistique et sa renommée internationale ? Elles furent telles que les copères dinantais, rivaux heureux de leurs confrères de Huy, obtinrent l’affiliation de leur ville à la hanse teutonique. Mais la Wallonie occidentale marchait, elle aussi, hardiment de l’avant. Dès le xn e siècle, Tournai est une ville d’architectes, de sculpteurs, d’ouvriers d’art auxquels les villes environnantes font appel. L’expansion artistique de la vieille cité épiscopale est un phénomène remarquable, et pendant deux siècles, la ville où Roger de le Pasture devait voir le jour s’imposa comme la capitale artistique des Pays-Ras.

Au XIIIe siècle, tandis que l’art naît dans les Flandres avec une physionomie toute française, le Hainaut, le pays mosan et ce même Tournaisis augmentent et affinent leurs productions. Par toute la Wallonie, de magnifiques fleurs d’architecture surgissent, racontant la double influence germanique et française qui s’est de tout temps exercée sur notre pays, affirmant en outre des qualités locales de sobriété et de délicatesse. Églises et abbayes wallonnes s’ornent de couronnes, de lampes, de candélabres en métaux précieux, enrichis de pierreries et de perles d’une telle profusion que saint Rernard s’en émeut. Mais ce luxe pieux servait l’art. Insistons sur les œuvres des orfèvres wallons, puisque l’exposition de Charleroi en rassemble d’incomparables spécimens. Après maître Renerus, Huy connut un merveilleux émailleur, Godefroid de Claire, auteur de « fiertés » exquises. Puis vint le génial orfèvre Hugo d’Oignies, nielleur, ciseleur, créateur de ravissantes dentelles métalliques ; l’exposition de Charleroi a bien fait de consacrer une salle spéciale à ce maître. Le couvent des sœurs de Notre-Dame de Namur conserve ses œuvres principales et a consenti à les prêter, notamment la fameuse couverture d’évangéliaire sur laquelle on lit : Ore canunt alii