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accommodemens, et certains soirs les règlemens sont bernés de singulière façon.

Pour mesurer le chemin parcouru depuis deux cent cinquante ans, il faut rappeler que Louis XIV, confirmant une décision du Parlement, d’après laquelle la danse théâtrale est un exercice noble qui ne fait pas déroger, autorisa, par lettres patentes de 1672, « le sieur Lulli à avoir une école de danse propre à former des élèves, tant pour danser que pour chanter. » Plus tard, le roi écrivit de sa main le budget du corps de ballet ; il se composait de 12 danseurs et 10 danseuses ; 2 danseurs à 1 000 livres par an, 4 à 800 livres, 4 à 600, 2 à 400 ; 2 premières danseuses à 900 livres, 4 à 500, 4 à 400. Il y avait en outre : un maître de salle de danse à 500 livres, un compositeur de ballets à 1 500, un metteur en scène à 1 200 et un maître tailleur à 800 livres. Aujourd’hui les étoiles touchent 30 à 40 000 francs par an, les premiers sujets 600 à 1 200 francs par mois, les seconds sujets 250 à 300, les coryphées 1 800 à 2 300 par an, les quadrilles 1 400 à 1 500.

Les mémoires du XVIIIe siècle font à peine mention du foyer de la danse : les loges, les coulisses, les petits hôtels des ballerines le remplaçaient sans peine. Pour les émules de Camargo et de Salle, ce fut une époque charmante, celle où leur luxe rivalisait avec celui des plus grandes dames, faisant dire à d’Alembert : « C’est une suite naturelle des lois du mouvement ; » où Mariette avait assez de crédit pour faire exiler son directeur ; où, seules, Beaupré et la duchesse de Valentinois possédaient un carrosse en porcelaine ; où Guimard, « le Squelette des Grâces, » gouvernait le prélat qui avait la feuille des bénéfices, ce qui fit dire à Sophie Arnould : « Elle est cependant sur une si bonne feuille ! » où Renard recevait des pots-de-vin sur toutes les nominations signées par le prince de Montbarrey, ministre de la Guerre ; où le financier Crozat tapissait de billets de caisse le boudoir de la Saint-Germain.


Le foyer de la danse eut un rôle assez effacé sous le premier Empire ; ses généraux enlevaient les plus jolies ballerines, les emmenaient « avec eux en campagne, au diable, ou ailleurs ; » l’Empereur trouvait sans doute que c’était assez du foyer de la Comédie pour alimenter la causerie. Un soir, à l’Opéra, il remarque les. disgrâces physiques des figurantes : « Quelles