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PROMENADE DU MATIN


Humant les senteurs des brises câlines,
Par ce clair matin d’arrière-saison,
Je marche au hasard parmi les collines
Dont le cercle étroit fait notre horizon.

Le ciel d’un bleu fin sur les lointains roses
Semble s’allonger amoureusement ;
Un silence ami caresse les choses…
Tout est solitude et recueillement.

Midi sonne. Au loin, je vois le village
Qui dans l’air si pur me semble très près ;
Je vois ses murs gris montant par étage,
Son blanc cimetière et ses noirs cyprès.

Mêlant aussitôt sa voix aigrelette
Au gros carillon qui tinte là-bas,
Notre bonne cloche, active et simplette,
Dit : « Drelin ! drelin ! Voici le repas ! »

Rentrons. Reprenons d’un pas moins solide
Et moins prompt, hélas ! qu’il le fut jadis,
Le petit sentier dont la pente aride
Me mène tout droit à mon vieux logis.

À travers ces pins qui dressent en file
Vers le ciel doré leurs panaches verts,
Je vois la maison, la maison tranquille
Où je suis venu passer tant d’hivers.

La voilà petite, — oh ! combien petite ! —
Sous les grands ormeaux aux troncs crevassés,
Berceau vénérable et sur qui l’abrite
Contre la fureur des mistrals glacés.