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Alors le prince de Hohenlohe pensa à reprendre les positions que peu auparavant il aurait pu occuper à peu de frais et qu’il venait de laisser sous ses yeux à huit cents mètres de ses canons muets et de son armée immobile. Il passa devant le front de la division Grawert, haranguant les fantassins, leur rappelant la vieille gloire prussienne, les victoires de leurs pères au siècle passé. Les soldats étaient résolus et animés ; ils recueillirent les paroles de leur chef par des cris : En avant ! et des hurrahs enthousiastes. Les onze bataillons s’ébranlèrent en échelons, la gauche en avant vers Vierzenheiligen, la droite, sur le bois de Holschen et la forêt d’Isserstedt. Prolongeant leur droite, les deux bataillons Erichsen et Rosen se portaient sur le village d’Isserstedt. En seconde ligne et en réserve, s’avançaient les 9 bataillons des brigades Dyherrn et Cerrini ainsi que 38 escadrons, dont la plupart, sur l’ordre de Hohenlohe, venaient de se replier des abords de Vierzenheiligen, où ils essuyaient sans utilité le feu des tirailleurs français.

Ces masses marchent sous la mitraille et sous les balles, plus meurtrières encore, des tirailleurs, avec le même ordre, la même régularité, la même superbe qu’à la parade. À la droite, les bataillons Erichsen et Rosen reprennent Isserstedt et refoulent à travers bois le bataillon du 26e léger jusqu’à la lisière Est du bois de ce nom, et les bataillons Hahn et Sack chassent du bois de Holschen les grenadiers de Ney. Les échelons d’infanterie de l’extrême droite débordent Vierzenheiligen au Nord. Le centre gravit les pentes de ce village au pas accéléré.

Cette belle marche au feu et ces premiers succès raniment la confiance de l’état-major prussien. On croit à la victoire. Peut-être est-elle possible, mais il faudrait un prompt et vigoureux élan de l’infanterie sur Vierzenheiligen, et une charge en trombe de la cavalerie au Nord de ce village. Selon la remarque de Von der Goltz, « il s’agissait de reprendre à l’ennemi Vierzenheiligen, clé de la position, par la supériorité du choc sur un seul point. Mais, ajoute-t-il, on manquait pour cela de l’élan qui donne l’impulsion en avant. Cette manière de combattre n’était ni dans les tendances, ni dans les habitudes des Prussiens. »

En effet, à une petite portée de fusil de Vierzenheiligen, la belle ligne prussienne fit halte et commença des feux de pelotons méthodiques contre les tirailleurs français, tandis que les