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à céder à l’Allemagne, en y joignant notre droit d’option éventuelle sur le Congo belge. La presse française a traité comme elles méritaient de l’être ces visées exorbitantes ; elles ont fait naître en Angleterre une irritation extrêmement vive et ont inquiété d’autres nations, qui y ont senti une menace future pour leurs possessions africaines. Si l’Allemagne désire vraiment que les négociations aboutissent, elle devra proportionner plus exactement ses demandes au sacrifice qu’elle fait et au bénéfice qu’elle concède : or le sacrifice est nul et le bénéfice très hypothétique. Le mot de compensation, on ne sait trop pourquoi, a été prononcé dans cette affaire, et y revient souvent ; il n’y en a pourtant pas qui soit moins en situation. L’Allemagne n’a droit à aucune compensation ; elle n’y a pas plus de droit qu’une puissance quelconque ; mais les habiletés de sa diplomatie et les maladresses de nos entreprises l’ont mise à même de placer la question sur ce terrain où elle a pris peu à peu une position dont elle s’exagère la solidité. Loin de perdre quoi que ce soit à ce qui se passe au Maroc, l’Allemagne en profitera plus que personne sans qu’il lui en coûte rien. Nous lui donnerons néanmoins une compensation et elle ne nous cédera en échange rien qui lui appartienne ; mais peut-être, après cela, — et c’est tout ce que nous pouvons espérer de sa part, — nous laissera-t-elle quelque temps tranquilles au Maroc, heureuse de nous y voir occupés pour de longues années et de nous y laisser vis-à-vis de l’Espagne dans une situation qui n’est pas encore éclaircie. Une des habiletés de M. de Bismarck, autrefois, a été de nous encourager à aller en Tunisie pour nous brouiller avec les Italiens ; en quoi, il a sur le moment fort bien réussi ; mais du moins nous étions maîtres de la Régence, et nous avions pu nous y installer sans coup férir. Quand nous serons enfin d’accord avec l’Allemagne, il est à craindre que nous ne trouvions pas les mêmes facilités au Maroc.

Pour ce qui est de l’Espagne, nous continuons d’espérer que l’entente se fera entre elle et nous cordialement et loyalement : le règlement de l’affaire Boisset nous en est une preuve. Nous avons fait tout ce qui dépendait de nous pour conserver des rapports bons et amicaux avec l’Espagne : nous la considérons, on le sait, comme ayant, à côté de nous, une part dans l’œuvre de civilisation à accomplir au Maroc. Ici même, à mainte reprise, nous avons affirmé ces intentions, qui sont celles de notre gouvernement. L’opinion publique, chez nous, y est favorable. Mais l’Espagne ne nous a pas toujours aidés dans nos efforts pour faciliter le succès de cette politique. La manière dont elle est allée à El-Ksar a été peu correcte, sinon vis-à-vis du