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II

De temps immémorial, les Indous ont connu la prodigieuse dureté du diamant, rappelée par eux dans des proverbes courans dont l’un : le diamant n’est coupé que par le diamant, semble prouver qu’à des époques bien lointaines, on avait déjà quelques idées sur le clivage et, par conséquent, sur la taille de cette pierre fine et des pierres fines en général. C’est à cette dureté si remarquable et si caractéristique, en même temps qu’à sa résistance aux agens chimiques, que le diamant doit de se conserver mieux que n’importe quelle pierre précieuse. Toutefois la dureté de ce minéral varie non seulement d’une espèce à l’autre, comme nous l’avons déjà dit, mais encore d’un diamant à l’autre. Des joailliers de New-York, en 1888, en ont rencontré un dont la dureté était telle qu’ils durent renoncer à pousser la taille jusqu’au bout : alors, en effet, que les diamans ordinaires, une fois clivés et dégrossis, cèdent assez facilement à l’action d’une meule recouverte d’égrisée tournant à 2000 tours environ par minute, celui-ci, après avoir été soumis au frottement pendant plus de trois mois, sortit de l’épreuve dans son état primitif, et cependant, l’appareil tournait à une vitesse de 28 000 révolutions à la minute, si bien que le chemin parcouru par la meule sur la pierre équivalait à trois fois environ la circonférence de la Terre. Ce curieux diamant, après cette expérience, fut envoyé à l’Académie des Sciences de New-York. Un diamant noir que, jadis, l’Institut de France avait confié à Babinet pour en étudier la dureté, se montra aussi indomptable.

Mais, en outre de sa dureté et de son inaltérabilité, sa transparence, sa limpidité, sa phosphorescence, que signalent les Mille et une Nuits, contribuaient aussi à faire considérer le diamant par les populations de l’Extrême-Orient, comme le produit le plus parfait de la nature. Elles le plaçaient en tête des pierres précieuses, montrant ainsi un goût très pur, que nous n’eûmes pas toujours en Occident, car, durant tout le Moyen Age et même pendant la plus grande partie du XVIe siècle, le rubis et l’émeraude étaient plus estimés ; le saphir seul, semble-t-il, venait après. Les masses populaires, livrées à leur propre goût, préféreront toujours les pierres de couleur aux autres : l’homme quaternaire, qui a laissé des traces de son industrie dans les