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assez dédaigneusement le ministre des Relations extérieures, il importe peu à la France que le subside et la neutralité du Portugal soient déterminés de cette manière ou de toute autre. » Il passe sur les attaques de Lannes, sur « cette étrange polémique, » et s’arrête au seul point qui paraisse exiger une décision du Premier Consul. Ce seul point, c’est un projet de traité destiné à être envoyé à Lannes pour servir de base aux négociations, mais qui ne lui a jamais été expédié : une annotation en fait foi.

Le ressentiment de Lannes ne recule pas devant les accusations les plus graves ! « Vous serez sans doute bien indigné, mon ami, écrit-il à son beau-père, de toute cette intrigue ; outre les avantages qu’elle fait perdre à la République, elle attaque mon honneur. Le ministre des Relations a eu deux millions pour lui ; aussi a-t-il mis l’intérêt de la République de côté. Vous verrez le traité que j’avais fait, et les avantages que j’avais obtenus pour notre commerce ; je compte cependant qu’on sera obligé d’en finir ici par mon canal. »

La vengeance de Talleyrand n’en sera que plus raffinée et plus complète. Il ne reprochera pas à Lannes les étranges procédés que celui-ci a employés à son égard, mais il obtient l’ordre du Premier Consul de faire savoir au ministre de France à Lisbonne que la convention du 27 frimaire « ne remplissait pas ses vues. » Suit une critique détaillée et impitoyable de cette convention dont Lannes avait éprouvé tant de fierté : les avantages commerciaux ne sont qu’hypothétiquement assurés, puisque le tarif des importations reste à déterminer (et il faut bien avouer que cette objection était tout à fait fondée), — le mot « reconnaître » la neutralité du Portugal aurait suffi, celui de « maintenir » est inutile, — enfin l’article 9 (celui de la médiation française entre le Régent et le Dey d’Alger) suffirait seul à empêcher la ratification. On envoie donc à Lannes deux projets de traité, qui devront servir de base à ses négociations : l’un, c’est l’exécution de l’article 7 de la convention de subsides avec l’Espagne, — l’autre, c’est la convention du 27 frimaire modifiée et rectifiée selon les intentions du Premier Consul, c’est-à-dire en demandant l’exemption de tout droit d’entrée sur nos importations.

Cette désapprobation est pour Lannes un véritable coup de massue ; mais, obéissant à ses instructions, il se rend à Queluz,