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grossesse de ne pas y paraître encore), et j’ai consenti à ce que le Prince et la Princesse tinssent notre dernier enfant sur les fonts du baptême. Il veut donner beaucoup d’éclat à ces cérémonies, et je m’y prête avec plaisir, parce qu’elles ajouteront beaucoup à l’influence et à la considération des Français en Portugal, et parce que je ne doute pas que les Anglais n’en jettent les hauts cris. »

Le baptême eut lieu quelques jours plus tard avec toute la solennité possible. Le Prince et la Princesse s’y trouvaient en personne, « honneur qui n’a jamais été rendu, en Portugal, qu’aux princes du sang. » Le ministre britannique sentit que c’était un coup direct porté à son influence ; il rassembla la factorerie anglaise, et lui déclara qu’il n’y avait plus rien à espérer. Plusieurs maisons de commerce anglaises se disposèrent à partir, et lord Fitz-Gerald, ayant demandé une audience, ne put l’obtenir, le Prince s’étant, suivant son habitude dans les cas difficiles, réfugié à Mafra. Les rôles étaient, cette fois, heureusement intervertis.

Marbot raconte tenir de Lannes lui-même que le Régent. L’avait, au moment du baptême, emmené dans la chambre où il gardait ses trésors, et que, prenant une poignée de diamans, il la lui remit en disant : « Voilà pour mon filleul, » — puis une seconde, avec ces mots : « Voilà pour la mère, » — et une troisième en ajoutant : « — Voilà pour le père. » — « Ce n’est qu’à partir de ce moment, disait le général, que je me suis senti véritablement riche. »


IX

Lannes aurait désiré pousser à bout ce succès diplomatique pour amener le Régent à conclure un traité d’alliance avec la France. Mais Talleyrand n’entend pas lui laisser la liberté de mener à sa guise la politique française en Portugal. Tout en le complimentant, il prend soin de lui marquer que tout s’enchaîne, se subordonne dans le système général des intérêts de la France et des vues de son gouvernement. La conduite que le Premier Consul voudra que nous tenions à l’égard du Portugal sera donc tracée sur ces considérations prises dans l’ensemble de nos relations actuelles avec un grand nombre de puissances, et c’est précisément de notre situation relative avec l’Espagne,