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de vaincre encore des ennemis de la France, j’attendrai que le Premier Consul cueille dans sa sagesse les fruits de la victoire, et je me flatte de lui offrir au moins un gage éclatant de mon dévouement à mon pays et à mon gouvernement. »

Le départ d’Almeida inaugurait un heureux changement de procédés envers la France. Car, voici que Coigny, Vioménil et un autre émigré, dont il avait demandé l’expulsion, reçoivent l’ordre de quitter le Portugal ; le gouverneur de Belem est arrêté, et l’on promet de fermer tous les ports aux navires anglais. Le Régent, dans un entretien avec le général, s’engage même, dès qu’il aura connaissance de l’entrée de nos troupes en Espagne, et de la rupture avec cette cour, qu’il considère comme inévitable, à s’unir à nous à l’instant même contre les Cabinets de Londres et de Madrid. Il mettra tous ses moyens à la disposition du gouvernement français, et il marchera en personne avec l’armée portugaise.

De la froideur précédente à cette offre actuelle, non seulement d’amitié mais de coopération militaire, quel prodigieux changement : pour l’expliquer, rappelons-nous qu’à ce moment, la situation était extrêmement tendue entre Paris et Madrid ; on se demandait même si la France ne serait pas obligée d’entrer en Espagne pour punir cette puissance de ses hésitations à se déclarer contre l’Angleterre. Or, la pensée d’une intervention militaire de la France dans la péninsule troublait profondément Dom Joaö : allié aux Français, il pouvait escompter la possibilité, la certitude même d’une revanche sur ses voisins ; alors que, neutre dans le conflit, il risquait de voir les belligérans s’arranger à ses dépens. Tout le pousse donc, dans cette hypothèse, à embrasser la cause de la France. Aussi comble-t-il son représentant de toutes sortes de marques de faveur : il lui offre, notamment, d’être, avec la princesse, parrain et marraine de son dernier enfant. Un Bragance et une Bourbon tenir sur les fonts du baptême le fils de l’ancien apprenti teinturier de Lectoure : quelle vanité n’en eut pas été grisée ! mais, chez Lannes comme presque chez tous les grands soldats de cette époque héroïque, ce n’est pas de la vanité, c’est un orgueil grandiose qui s’exprime avec cette pointe de jactance gasconne que nous connaissons déjà : « En retour de ces engagemens positifs du Régent, écrit-il, je lui ai promis de présenter Mme Lannes à la Cour (il est probable que Mme Lannes avait dû à sa dernière