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et le maréchal de camp Gomez Freire, chef du régiment de ce nom qui faisait partie de la garnison de Lisbonne, et ennemi juré de la France, étaient les instrumens du complot, les « aides de camp » du duc de Sussex.

Mais il fallait une occasion : on imagine de rétablir un jour de fête aboli depuis dix ans, pour avoir un prétexte de réunir et d’armer le régiment de Gomez Freire, dans le quartier duquel la fête se célébrait. Nous avons dit que les forces de police de la ville étaient sous le commandement du marquis de Novion, émigré français, d’un caractère et d’une intégrité auxquels Lannes rend un hommage mérité. Comme il s’était rendu avec ses hommes sur le lieu de la fête pour y maintenir l’ordre, les soldats de Gomez, sous prétexte qu’ils entendent se charger eux-mêmes de ce soin, engagent une rixe avec la police, et font feu sur Novion dès qu’il paraît ; on leur avait, en effet distribué des cartouches à balles. La légion d’Alorna accourt au secours des soldats de Gomez, et un combat sanglant entre la troupe et la police laisse dix tués et vingt-six blessés sur le carreau.

Au milieu du tumulte, le duc de Sussex lui-même apparaît, et, prenant le parti de Gomez Freire, l’emmène avec lui chez Dom Joaö. Il ne néglige pas non plus de se rendre au quartier des soldats, de leur faire distribuer des vivres et de s’enivrer avec eux. Mais le vent a tourné ; car, le lendemain, les rixes ont beau recommencer partiellement et faire de nouveau plusieurs victimes, le Régent s’est prononcé : Gomez Freire est arrêté chez le duc de Sussex, et enfermé à la Tour de Belem ; son régiment est envoyé en province, la légion d’Alorna va également quitter Lisbonne et on parle de se saisir de son chef ; des perquisitions ont eu lieu, et, chez une intrigante, la baronne d’Oyenhausen, « on a trouvé des papiers compromettans pour les Fidalgos. »

Bien que l’alerte ait été vive, le Régent n’ose encore donner des ordres à son ministre des Affaires étrangères, qu’il sait dévoué à la cause britannique, ni sacrifier Almeida, comme le lui demande le Premier Consul. C’est donc une voie détournée qu’il emprunte, et un simple chambellan de service, le comte da Ega, sera son intermédiaire secret auprès de Lannes. Le 15 thermidor (3 août 1803), ce personnage écrit au ministre de France une lettre secrète pour lui déclarer que le Régent « désire se prêter efficacement à ce que Votre Excellence soit