Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/621

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

service, la seule puissance de nos tristes jours : la richesse. « Aujourd’hui, c’est l’époque de la richesse. La richesse, à l’heure actuelle, a acquis une force qu’elle n’avait jamais eue encore… Elle commande à la terre, à la mer et au ciel. Tout pouvoir appartient à ceux qui savent manier la richesse. Il faut accepter les faits, et ce sont là des faits. » On les comprend d’ailleurs, quand on considère la suite d’une évolution commencée sous nos yeux, quand, devançant par la pensée les temps futurs, on se représente « quelle décadence morale avait suivi la ruine de la religion surnaturelle dans l’esprit du vulgaire, le déclin de l’honneur public, l’ascendant de la richesse. Car les hommes qui avaient perdu leur croyance en Dieu avaient gardé toujours leur foi en la propriété, et la richesse régnait sur un monde vénal. »

Le Dormeur se trouve, en s’éveillant, possesseur de la moitié de la terre, et ainsi maître du monde. Or, le monde est divisé en deux camps : les privilégiés satisfaits et les malheureux mécontens. Les premiers ne souhaitent que devoir le Dormeur continuer son sommeil. Les autres attendaient impatiemment le réveil et les jours nouveaux dont ils le croient l’aurore. Mais ils sont organisés et conduits par des « meneurs » qui ont intérêt à exciter le mécontentement et à l’exploiter contre le pouvoir établi jusqu’à ce qu’ils l’aient remplacé. Jusque-là seulement et non au-delà. « Ostrog, le Grand Meneur, » a donc réveillé le Dormeur, ou profité de son réveil, pour renverser les Seigneurs du Conseil ; après quoi, il estime que la révolution est finie, puisqu’il a pris la place des anciens chefs. Mais « il a réveillé quelque chose de plus grand que ce qu’il rêvait : il a réveillé des espérances. » La lutte continue, celle du Grand Meneur contre le peuple, contre son nouveau chef. Ostrog appelle la police nègre, « des brutes superbes et loyales, sans l’ombre d’une idée dans la tête…, de ces idées qui gâtent notre populace. » Et le maître se dévoue pour essayer de sauver ceux qui ont cru en lui…

C’est plus tard encore, beaucoup plus loin dans le futur, que nous conduit la Machine à explorer le temps. Cette extraordinaire invention permet à son auteur de se transporter à quelques centaines de milliers d’années en avant, — dans « l’âge d’or » rêvé par les apôtres du progrès. Au lieu « d’une postérité profondément grave et intellectuelle, » il trouve, comme descendans de l’humanité d’aujourd’hui, de petits êtres gracieux, puérils et frêles, au milieu « d’un gaspillage inextricable »