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de nous des avantages qui ne seront pas nécessairement en Afrique, ou du moins au Maroc ? Et enfin, en admettant que cette seconde supposition soit la vraie, faut-il la compléter en disant que l’acte allemand n’est qu’un moyen de discussion ? À parler franchement, nous n’en savons rien : l’avenir seul montrera ce qu’il faut en croire. Nous devons en rester, pour le moment, à l’affirmation que l’envoi d’un navire à Agadir a un objet déterminé et provisoire et que, cet objet une fois réalisé, le navire se retirera. On nous le dit, croyons-le.

Que devait faire notre gouvernement dans la situation délicate où il se trouvait placé ? M. de Selves, en répondant à la communication que lui a faite M. le baron de Scbœn, a exprimé l’avis que l’incident d’Agadir ne faciliterait pas les négociations ultérieures, et rien n’est plus vrai. L’Allemagne croit beaucoup trop à l’emploi de l’intimidation, au parti qu’on peut tirer de la première émotion que cause la surprise, enfin au sentiment d’insécurité qu’elle inspire par ce qu’il y a d’imprévu dans ses procédés ; mais cette méthode, puisque c’en est une, a l’inconvénient de provoquer la défiance et le soupçon et, tout compte fait, nous ne la recommanderions pas à nos propres négociateurs : ils y seraient d’ailleurs peu aptes. Et puis, l’efficacité de ces moyens s’épuise ; l’habitude l’émousse ; les gens avertis en prennent leur parti et finissent par ne plus y être sensibles. Quoi qu’il en soit, le gouvernement de la République a fait ce qu’il devait faire : il s’est rappelé qu’il avait un allié et des amis et il s’est mis immédiatement en rapport avec eux. Quelques journaux le lui ont reproché. — Le coup d’Agadir, ont-ils dit, s’adresse à nous ; c’est donc à nous qu’il appartient de le relever et nous n’avons nul besoin pour cela d’aller demander conseil ou concours aux autres ; un grand pays ne doit compter que sur lui-même ; qu’il marche, et il sera suivi. — Ce sont là de belles phrases, mais il est fort heureux que notre gouvernement ne s’en soit pas inspiré.

Bien que tout le monde nous ait reconnu une situation spéciale au Maroc, nous n’en sommes pas les maîtres comme nous le sommes de l’Algérie, ni les protecteurs comme nous le sommes de la Tunisie, et nous ne voulons être ni ceci ni cela. L’Acte d’Algésiras est une œuvre collective dont le maintien, ou le changement, intéresse d’autres que nous. Enfin nous avons une alliance et des amitiés, dont une nous est en ce moment particulièrement précieuse. M. Ribot, qui a été un des principaux auteurs de l’alliance russe, disait récemment à la tribune du Sénat qu’une de ses conséquences, ou plutôt une de ses stipulations formelles, est que les deux gouvernemens doivent