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de récriminer sur le passé, et, si nous y revenons, c’est pour y chercher, s’il est possible de l’y trouver, le secret de l’avenir.

Il était facile, nous l’avons écrit au moment même où elle a commencé, de prévoir que notre marche sur Fez opérerait sur l’Espagne comme un coup d’éperon qui l’amènerait à s’établir dans la partie du Maroc dont nous nous étions éventuellement désintéressés à son profit. Nous avons avec elle des engagemens que le public ignore et que nous ignorons comme lui ; nous savons seulement qu’ils existent et rien ne nous autorise à croire qu’elle en ait dépassé les termes. On reproche beaucoup à M. Delcassé de les avoir conclus. Comment aurait-il pu faire autrement ? Nous aurions préféré, pour notre compte, qu’on ne touchât pas à cette redoutable question du Maroc, qui était un peu devant nous comme la boite de Pandore et que nous étions dans l’impossibilité de résoudre à notre seul profit ; mais, puisqu’on avait eu la témérité de vouloir la résoudre, il fallait bien en accepter, en subir les obligations et les charges, et une d’elles était la nécessité d’un accord avec l’Espagne. L’Espagne avait, à côté de nous, un rôle à jouer au Maroc ; il aurait été de notre part aussi imprudent que peu généreux de le lui disputer. Mais l’Allemagne ? Rien à coup sûr, en dehors de la force dont elle dispose et de l’usage qu’elle montre quelquefois la velléité d’en faire, ne l’autorisait à émettre sur le Maroc des prétentions particulières. Ce n’est pas dans son histoire qu’elle pourrait trouver des argumens à invoquer ; elle n’a rien fait jusqu’ici, ou elle n’a fait que bien peu de chose, pour développer la civilisation en Afrique ; elle n’a pas contribué aux efforts que d’autres puissances ont prodigués pour cette grande œuvre ; elle n’a, au surplus, aucun voisinage avec le Maroc. Mais à quoi bon discuter ? Nous sommes en présence d’un fait brutal : l’Allemagne a suffisamment manifesté qu’elle ne laisserait pas résoudre la question marocaine en dehors d’elle et qu’elle entendait y trouver des avantages et des profits. Ses intentions nous étaient connues depuis longtemps : ce n’est pas le « geste » d’Agadir qui nous les a révélées, il nous les a seulement rappelées. Les avions-nous donc oubliées ? On pourrait le croire à en juger par la lecture de nos journaux, ou du plus grand nombre d’entre eux, après l’envoi de la Panther à Agadir ; mais ceux d’entre nous qui s’étaient livrés au préalable à la lecture des journaux allemands n’ont pas éprouvé cette surprise ; ils s’attendaient à quelque chose, sans savoir précisément à quoi.

Nous avons un défaut, en France, qui est de n’écouter que ce que