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proportionnelle. On s’est compté sur un amendement que M. Malavialle avait présenté à l’article 1er et qui maintenait le principe de la représentation dite majoritaire, c’est-à-dire de la représentation de la majorité à l’exclusion de la minorité, quel que soit le chiffre de celle-ci. La question était posée clairement, un peu brutalement même, de manière qu’il n’y eût pas d’équivoque sur le sens du vote à émettre et que chacun sût exactement à quoi il s’engageait. La Chambre s’est donc engagée à supprimer le scrutin majoritaire, ce qui ne peut avoir lieu qu’avec le scrutin de liste et la représentation proportionnelle. Restent les modalités de l’opération ; il y en a plusieurs et là-dessus on se divisera sans doute ; mais, en dépit de ces divisions probables, le vote de la Chambre a singulièrement augmenté les chances de la réforme. Beaucoup de députés en effet raisonnent comme le ministère et ne demandent qu’à aller à la majorité, pourvu qu’ils sachent où elle est. Ils le savent désormais. On contestait à M. Charles Benoist les chiffres de ses pointages qui donnaient à la représentation proportionnelle une majorité certaine. Toutes ses prévisions ont été dépassées et, de cette manifestation imposante, il restera toujours quelque chose. Mais les arrondissementiers, comme on les dénomme, les partisans du statu quo, les nageurs exercés dans les mares stagnantes qui ont peur de la haute mer, ont été à la fois déconcertés et furieux : déconcertés par l’importance du vote, furieux contre le gouvernement qu’ils ont accusé de l’avoir encouragé. Et, le lendemain, un certain nombre d’entre eux ont voté contre lui en l’accusant de trahison : presque tous les arrondissementiers appartiennent effectivement au parti radical-socialiste et ce parti regardait comme sa chose un gouvernement dont il était le principal appui. Il n’est pas douteux que la défection de quelques-uns d’entre eux a contribué à la chute du Cabinet, renversé par 24 voix de majorité. Toutefois M. Monis n’a pas de regrets à avoir ; il aurait été encore plus sûrement renversé, s’il avait pris parti contre la réforme électorale ; le rejet de l’amendement Malavialle l’a prouvé. De là pour le ministère de demain les difficultés auxquelles nous avons fait allusion plus haut. Les partisans du scrutin de liste et ceux du scrutin d’arrondissement prennent à l’égard les uns des autres les attitudes les plus intransigeantes et tous les deux adressent au ministère en formation, sous peine de mort, les injonctions les plus impérieuses. Nous plaignons M. Caillaux puisque c’est lui qui est chargé de faire le nouveau Cabinet. Mais s’il est démontré qu’avec cette Chambre aucun gouvernement ne peut vivre, qu’adviendra-t-il ? On parle déjà de dissolution : la crainte de cette