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passé et que celui des votes décisifs était venu. Cependant la Chambre a encore entendu quelques harangues éloquentes, par exemple celle de M. Jaurès qui était fort en verve et qui a, non pas résumé, car M. Jaurès ne résume jamais, mais une fois de plus développé avec éclat les raisons qui militent en faveur de la réforme. On se demandait quelle serait l’attitude du ministère. Il aurait peut-être préféré ne pas en prendre du tout et laisser à la Chambre le soin de fixer elle-même et elle seule sa loi électorale pour l’avenir ; mais le scandale d’une telle abstention n’aurait pas été toléré. Le ministère a compris que la Chambre ne lui permettrait pas de garder le silence jusqu’au bout ; il fallait qu’il donnât son avis, il l’a donné et nous lui rendons la justice que son avis a été à peu près bon. Par malheur, le document qui l’exprimait était médiocrement rédigé et la lecture que M. le garde des Sceaux en a faite à la tribune, avec quelque solennité, n’a été accueillie avec aucune bienveillance. Cette fois encore, la substitution à un ministre qui parle d’un ministre qui lit a été néfaste au gouvernement. Les Chambres actuelles ne sont pas habituées à recevoir des messages et, au surplus, un message peut bien ouvrir une discussion, mais non pas la suivre dans ses détails multiples et variés, s’y adapter, y faire face. Après avoir lu celui dont il était chargé, M. Antoine Perrier s’est tu. Le gouvernement avait dit trop ou trop peu : trop pour les partisans du scrutin d’arrondissement, pas assez pour ceux de la représentation proportionnelle qui auraient voulu de lui quelque chose de plus vivant et de plus agissant.

Ces derniers, toutefois, seraient ingrats s’ils se plaignaient du ministère ; il a conclu dans leur sens ; il s’est déclaré pour la réforme électorale telle que la Commission spéciale l’avait préparée et la présentait à la Chambre: scrutin de liste, représentation proportionnelle, apparentement des listes voisines. Ce dernier point appelle des réserves formelles ; le mot d’apparentement est barbare et la chose qu’il exprime est en contradiction avec l’esprit de la réforme ; mais la Commission ayant fait une cote mal taillée, on ne pouvait guère attendre que le gouvernement fît beaucoup mieux. Il n’y a aucune témérité à croire qu’il a appliqué ici comme ailleurs sa règle habituelle et qu’il s’est demandé, pour y aller, de quel côté était la majorité. Le résultat a montré qu’il ne s’était pas trompé : la majorité favorable à la réforme a été, en effet, de 118 voix. C’est beaucoup, c’est trop peut-être ; une majorité aussi forte est-elle bien solide ? Mais c’est une belle entrée de jeu pour les partisans de la représentation