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La société a le devoir de soigner ses malades : on peut bien dire que cette vieille formule de nos ancêtres s’impose, de plus en plus victorieuse, à toutes nos sociétés contemporaines. Ce devoir est aussi strict vis-à-vis des malades du psychisme que vis-à-vis des victimes des accidens du travail ou des tuberculeux ; et le devoir ne disparaît pas par ce que le malade psychique aura commis un crime ou un délit.

Il est inadmissible qu’un homme de cœur et de bon sens veuille assimiler un malade nocif à un animal nuisible.

Si l’on ne prenait en considération que la nocivité ou l’utilité sociales des hommes, pourquoi ne pas revenir aux usages des sauvages et des barbares ? Pourquoi ne pas sacrifier tous les vieillards devenus des bouches inutiles et ne pas jeter à l’Eurotas tous les en fan s souffreteux qui ne seront qu’une charge pour la société ? Pourquoi soigner les lépreux et les tuberculeux qui sont un danger social par la contagion ? Pourquoi ne pas supprimer toutes ces traditions médiévales des époques théocratiques ?

Quand le crime est patent et que l’auteur a été pris en flagrant délit, pourquoi faire des instructions et des enquêtes ? Il est bien plus simple et plus expéditif de livrer le criminel à la foule qui le lynchera, après l’avoir convenablement torturé (c’est la plus efficace et la plus radicale des peines corporelles qui doivent sauver la société), sans nommer des experts pour savoir s’il était fou ou non.

Tout cela n’est pas défendable dans une société régulièrement organisée, comprenant ses devoirs.


D’ailleurs, quoique très critiquée de divers côtés, la notion de responsabilité atténuée s’impose de plus en plus à tous comme un fait scientifique, indiscutable et définitivement démontré.

Après avoir énergiquement combattu toute ma conception des demi-fous et des demi-responsables dans son livre sur Le Régime des aliénés, le docteur Dubief (auteur et rapporteur d’un projet de loi sur cette question) dit : « Si certains aliénés, du fait de la maladie dont ils sont atteints, sont toujours irresponsables, d’autres peuvent, au moment de l’action, être demeurés responsables, et, de même que les conditions de l’acte incriminé peuvent justifier le bénéfice des circonstances atténuantes,