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un paresseux, si la mère se conduit mal, si le ménage est divorcé ou se querelle, l’enfant débile, livré aux promiscuités les plus malsaines, à l’âge où les passions s’éveillent et se manifestent brutalement, ne trouve dans son esprit aucun contrepoids, dans son cœur aucun frein : pour satisfaire ses passions obsédantes, il vole et, si la victime est récalcitrante, il assassine.

S’il franchit les premiers âges avec de simples peccadilles, il va à l’armée, ne comprend ni le drapeau, ni la patrie, échappe à toute discipline, manque de respect à ses chefs ou vole ses camarades, déserte ou passe en conseil de guerre et va finir dans les compagnies de discipline.

D’autres, dans le monde, prennent la passion du jeu, — où ils trichent, — ou du poison, avec lequel ils s’enivrent : ils boivent de l’alcool, de l’absinthe, toute la gamme des apéritifs : dans une catégorie sociale plus élevée, ils se piquent à la morphine ou fument de l’opium ; ou ils respirent de l’éther et arrivent à le boire, à plein verre, tous les jours… Pour se procurer leur poison coûteux, ils se privent de tout, et, comme cela ne suffit pas, ils aboutissent encore au vol et à l’assassinat.

D’autres vivent plus longtemps dans le monde régulier et peuvent ne pas laisser soupçonner à d’autres qu’à leurs familiers les lacunes de leur organisation mentale et morale ; ils parviennent à se marier et font le malheur de la femme qui les épouse sans les connaître. Ils fondent une famille de dégénérés qu’ils torturent et qu’ils ruinent par leur inconduite, leurs débauches ou seulement par leur défaut de bon sens, la mauvaise administration de leurs affaires, souvent aussi une série d’inventions saugrenues, qui auraient dû révolutionner le monde, mais qui, en réalité, acculent leur auteur au crime pour réparer la ruine de sa fortune.

Tous ces sujets ne sont certes pas irresponsables ; ce ne sont pas des aliénés ; il est impossible de les faire admettre et soigner dans un asile de fous. Quand ils commettent un crime, ce crime est bien combiné : ils attirent la victime dans un guet-apens, à un moment où ils savent qu’elle portera une sacoche bien garnie ; ou bien ils vont voler et assassiner une vieille femme, qu’ils savent seule dans une maison écartée et sans secours. Ils n’assassinent même que si leur intérêt immédiat et leur sécurité ultérieure le conseillent. Il est donc impossible de les assimiler au paralytique général dont je parlais plus haut