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préparent les découvertes, où le public est admis à voir comment on travaille, comment on découvre, comment on contrôle et vérifie ce qui est découvert. » Ainsi, d’un côté, la science déjà faite, de l’autre, la science en voie de se faire ; la première abandonnée un peu dédaigneusement aux Facultés, la seconde réservée au Collège de France, c’était là pour lui une distinction fondamentale, destinée à « s’établir de plus en plus. » Il serait aisé de montrer combien, sous son apparence de simplicité, elle était déjà inexacte et artificielle, au temps où il la formulait. Mais il ne s’agit pas ici du passé, et vraiment ce serait faire injure au grand et libre esprit qu’était Renan que de supposer qu’il aurait indéfiniment persisté dans une conception si étroite et si clairement contredite par les événemens.

Qu’est-ce, à vrai dire, que « la science déjà faite ? » Serait-ce par hasard le simple exposé des faits acquis ? Mais les faits eux-mêmes, que sont-ils le plus souvent, sinon des états provisoires de notre connaissance toujours imparfaite ? Et à supposer qu’il y en ait sur lesquels nous n’ayons plus rien à apprendre, les idées qui servent à les grouper, et qui en l’ont seules la valeur, puisque seules elles leur donnent un sens, ne nous apparaissent-elles pas de plus en plus comme essentiellement instables ? Il n’y a donc nulle part, on peut l’affirmer, aucun professeur digne de ce nom qui réduise sa tâche à enseigner une science déjà faite, c’est-à-dire sans doute à répéter ce que d’autres ont dit avant lui. En tout cas, ce n’est pas dans nos Universités d’aujourd’hui qu’on aurait chance de rencontrer ce spécimen vraiment extraordinaire. Les savans qui y professent ont tous, à des degrés divers, la prétention légitime et nécessaire de contribuer au progrès des connaissances par leurs recherches et de renouveler sans cesse leur enseignement par des aperçus personnels. Il serait injurieux et ridicule de vouloir réserver à quelques-uns, comme un privilège, ce qui est le devoir et l’honneur de tous.

D’autre part, toutes nos Facultés aussi, sans parler de l’Ecole des Hautes Etudes, de l’Ecole des Chartes, du Muséum, ne sont-elles pas, de plus en plus, des « laboratoires, » où les étudians « sont admis à voir comment on travaille, comment on découvre, comment on contrôle et vérifie ce qui est découvert ? » Tous ceux qui le désirent, et qui ont d’ailleurs une préparation première jugée suffisante, peuvent apprendre là comment la