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subsides et de ses conseils perfides le cléricalisme français, était désormais rassuré. Ce n’était pas seulement la gauche française, c’était l’Allemagne bismarckienne qui accusait, en 1877, le ministère du 16 Mai de trop s’intéresser au Pape et d’exposer la France à des périls de guerre. « Les journaux bismarckiens envoient sur Paris, lisait-on dans la Nouvelle Presse libre, de Vienne, ce que le prince de Bismarck appelle des jets d’eau froide, et cet appui ne manquera pas de servir aux députés de la Gauche de recommandation auprès de leurs électeurs. » Recommandation, c’était trop dire et beaucoup trop ; mais du moins les députés de la Gauche trouvaient-ils dans ces journaux certains textes dont ils pouvaient conclure que les cléricaux, c’était la guerre, et que la République, c’était la paix. Les polémiques de presse étaient très friandes de ces textes. La politique extérieure « ultramontaine, » telle que la concevaient les Droites, perdrait la France ; Gambetta le disait, Bismarck aussi. Et puis, de l’hostilité contre une telle politique, on passait, tout de suite, à l’idée d’une lutte contre Rome : « Cette idée-là, disait Thiers à ses amis en octobre 1876, vous est inspirée par Bismarck, qui veut broyer la Papauté, le seul pouvoir qu’il n’a pas réussi à avoir en main en Europe. »

Le parallélisme d’action entre la presse gambettiste et la presse bismarckienne n’échappait pas à Windthorst : d’après ce qu’il faisait dire à Gontaut, le 30 juin, le chef du Centre savait « sûrement » que M. Gambetta était en communication avec la chancellerie allemande. Lord Odo Russell et les autres diplomates accrédités à Berlin pensaient de même[1]. Ce n’étaient là que des hypothèses, qu’il serait peut-être périlleux de considérer dès maintenant comme acquises à l’histoire. Mais entre le chancelier de l’Empire et le tribun de la République un intermédiaire survint, Crispi.

En août 1877, il fit un séjour à Paris, vit Gambetta[2] et puis, gagnant Berlin, y demeura près de Bismarck jusqu’à l’ouverture de la période électorale française, période décisive, à

  1. Gambetta fréquente trop les agens de Bismarck, notait au même moment Mme Edmond Adam (Après l’abandon de la revanche, p. 15). Comparer, même ouvrage, p. 56, les curieux propos de Girardin à Mme Adam.
  2. D’après le récit que Gambetta fit à Mme Edmond Adam de son entretien avec Crispi, celui-ci souleva la question du désarmement général. Bismarck seul, répondait Gambetta, peut imposer ce désarmement (Mme Edmond Adam, op. cit., p. 29-31).