Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 3.djvu/631

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Addis Ababa, sans doute exaspérée par le morbus consularis de ses représentans à la cour du Négous, s’associa à toutes les démarches dissolvantes de celle de l’Angleterre. En face de ces deux puissances reste la France, le soutien de la première heure, qui ne peut avoir aucune ambition territoriale dans l’Afrique orientale, mais qui aura à combattre la politique britannique ouvertement hostile dans la question du Haut Nil, puis, sourdement, même après l’avènement de l’entente cordiale, dans la tortueuse affaire du chemin de fer d’Ethiopie. La France, malgré l’avantage que lui donne l’évidence des services rendus, aura bien de la peine à maintenir sa position, surtout après l’échec trop visible qu’elle subit dans la question du Haut Nil.

A peine Ménélik est-il devenu, par la victoire d’Adoua, une incontestable valeur internationale, qu’il se trouve en effet sollicité par les deux puissances dont la rivalité aboutira à l’incident de Fachoda. L’Angleterre, sous le prétexte d’opérer une diversion au profit de ses alliés italiens qui, cependant, ne demandent plus à sortir de la banlieue de Massaouah, mais en réalité pour rétablir le prestige européen qui lui est nécessaire dans cette partie de l’Afrique, et sans doute aussi pour empêcher Ménélik, que rien ne contient plus, de remplir les vastes limites qu’il réclamait en 1891, l’Angleterre recommence, par l’étape de Dongola, la conquête du Soudan Egyptien. La France essaie de lui barrer la route, d’abord en remportant la stérile victoire diplomatique qui interdit aux Anglo-Egyptiens d’appliquer les excédons de la caisse de réserve de la dette égyptienne aux dépenses de l’expédition de Dongola. La politique française veut, en outre, devancer les Anglais sur le Haut Nil. Tandis qu’elle envoie la mission Marchand sur l’immense route du Congo Français au Soudan Egyptien, elle recherche l’aide de Ménélik pour d’autres missions qu’elle essaie d’expédier à travers l’Ethiopie au-devant de celle qui vient ainsi de la lointaine Côte occidentale.

L’Angleterre eut d’autant moins de peine à le savoir qu’on n’en fit guère de mystère dans nos milieux coloniaux. La presse britannique commença de parler avec acrimonie de Ménélik. On vit monter au printemps de 1897 à Addis Ababa une mission anglaise dont la composition était caractéristique : elle avait pour chefs M. Rennel Rodd, second de lord Cromer au Caire, et le colonel Wingate, directeur du service des renseignemens