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Naples comme les autres Bourbons, résolu à unir étroitement la France, l’Italie et l’Espagne, il voulait placer sur le trône napolitain son frère aîné Joseph qu’il croyait pouvoir diriger à son gré. Et c’est pourquoi, le 31 décembre, il lui manda impérativement : « Mon intention est de m’emparer du royaume de Naples. Le maréchal Masséna et le général Saint-Cyr sont en marche avec deux corps d’armée sur ce royaume. Je vous ai nommé mon lieutenant, commandant en chef de l’armée de Naples. Partez quarante heures après la réception de cette lettre pour vous rendre à Rome et que votre première dépêche m’apprenne votre entrée à Naples et que vous en avez chassé une Cour perfide et rangé cette portion de l’Italie sous mes lois ! »

A peine les Anglo-Russes eurent-ils appris la marche des Français qu’ils décidèrent de se rembarquer en abandonnant le roi et la reine de Naples à leur triste sort, afin de conserver pour leurs souverains des troupes qui, en de meilleures occasions, « pourraient leur rendre de plus grands services. » Peu importait aux alliés que la situation de la famille royale fût désespérée ; leur propre salut leur paraissait préférable à tout et ils ne tenaient aucun compte des réclamations et des doléances de la Cour napolitaine.

C’est alors que Marie-Caroline écrit elle-même à Napoléon cette lettre que lui porte son messager, le cardinal Ruffo :

« Victimes de la politique la plus égoïste et perfide, entraînés forcément et abandonnés dans l’abîme par de soi-disant amis et alliés, le bandeau, dont ils nous ont si longtemps aveuglés, moi particulièrement, vient d’être enfin déchiré et pour toujours… Revenue de l’aveuglement où j’étais emportée par un zèle et un amour du bien mal calculés et irréfléchis et dont la plus forte inimitié fut la suite, c’est en cessant d’être l’ennemie de Votre Majesté Impériale et Royale, que j’en appelle à sa générosité et que j’y compte. C’est comme épouse, doublement comme mère de mes enfans et de mes sujets victimes avec moi de ma confiance aveugle en des alliés égoïstes, et ne cherchant point à déguiser la vérité, mais avouant les fautes que m’a fait commettre cet aveuglement, fautes où je n’ai été entraînée que par l’amour du bien et la persuasion de le faire, mais que je veux réparer ; c’est à tant de titres, dis-je, que je ne rougis point > me fais gloire de prier et demander à Votre Majesté Impériale