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que le conseille Machiavel. Elle ne se gêne pas pour dire que l’Autriche pratique une politique néfaste et qu’elle se perd par l’abus de sa faiblesse. Elle est « sûre, archi-sûre de l’effondrement de cette monarchie, » et elle le déplore pour les souverains qu’elle aime. Quant à son mari et à elle-même, elle affirme qu’ils sont trompés et abandonnés.

Cependant, elle a pour l’Italie un plan qui arrangerait tout. Donner le Milanais au duc de Parme, le Piémont au roi de Sardaigne, le Ferrarais au duc de Modène, la Toscane et le Bolonais au grand-duc, la Romagne au Pape, les Marches et Ancône au roi de Naples. « Ainsi, chacun serait content et indemnisé. » Gênes resterait République et la Cisalpine, d’un si mauvais exemple, serait supprimée. La France acquerrait ainsi tous les droits à la reconnaissance des peuples. Voilà ce que Gallo, sans se confier à Cobenzl, ni à sa bande, devrait obtenir du vainqueur, qui deviendrait alors « le Roi des cœurs italiens ! »

Elle a tant d’estime pour la personne du Premier Consul et pour son talent qu’elle croit en lui pour assurer la tranquillité de l’Europe. Elle lui prédit la couronne, tout en le plaignant d’avoir un jour à en supporter le fardeau ingrat.

Mais c’est sans le concours de Naples que Vienne signe l’armistice de Lunéville, et Marie-Caroline s’en dit malade de rage, désespérée qu’elle est de voir toute l’Europe travailler à sa propre ruine. Quant aux Napolitains, elle les juge ainsi. « Nous ne méritons pas d’amis, parce que nous n’avons pas de caractère ! » Elle voit déjà le royaume de Naples perdu. Toutefois, elle espère encore sauver la Sicile, et peut-être, à la paix générale, ressaisir Naples, avec le secours de l’Angleterre qui seule pourrait les aider. Suivant elle, la Prusse est fausse, tremblante, nulle, obéissant à droite et à gauche. La Russie est comme sur un volcan, et Alexandre, entouré des meurtriers de son père, ne peut rien. Elle, la Reine, a honte de sa situation à Vienne. Que faire ? Attendre son sort à Laxenbourg, Baden ou Schrenbrunn. Mais rester au palais de son gendre, y manger et vivre sans le pouvoir payer, ne convient point à sa délicatesse. Il lui faudra chercher une médiocre petite maison, où elle vivotera avec ses enfans. Elle n’a pas une âme à qui tenir un discours ferme et sage. Quel crepa cuore !… Aussi, désire-t-elle le retour de Gallo. Le 21 décembre 1801, elle se rappelle sa lamentable sortie de Naples en 1798 où elle a subi une