Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 3.djvu/393

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

temps, les Français, justement irrités de l’alliance de Ferdinand IV avec l’Autriche et de son intervention sur Rome, s’étaient jetés avec Championnet sur Naples et avaient forcé les souverains à s’enfuir à Palerme, dans une nuit tragique où la flotte napolitaine tout entière avait été incendiée sur les ordres de Marie-Caroline, qui ne voulait pas laisser cette proie au vainqueur. La Reine reste à Palerme jusqu’au 8 juin 1800 et se décide à aller en Autriche pour demander secours à son gendre l’empereur François. Elle descend et s’arrête quelque temps à Livourne. Là elle apprend le nouveau triomphe de Buonaparte. Elle voit arriver à Livourne les fuyards de l’armée autrichienne dans le plus pitoyable état, mourant de faim, sans vêtemens, sans chemises, n’ayant plus figure humaine ; elle sait que les généraux veulent à tout prix la paix et le repos, et elle s’écrie : « Tout cela va amener nécessairement la paix et Sa Majesté Buonaparte sur le trône. J’en suis au désespoir. Si toutes les troupes et tous les généraux de l’Empereur sont comme ce que je vois ici, je conseille de ne plus songer à la guerre. Je gémis et frémis de tout ce que je vois… A mon avis, la cause du Roi est perdue, car je n’ose me flatter que Buonaparte veuille lui laisser la couronne sur la tête, et sa volonté est tout. »

Ce qui désole la Reine, ce sont les menaces du vainqueur à l’adresse de Naples, « le seul pays, qu’il faut abattre, a-t-il dit, et diminuer en Italie, à cause de ses sentimens trop anglais. » Elle avoue être « dans le plus profond pétrin » depuis dix-huit jours, attendant sa sentence de Vienne et ne comprenant pas ce que signifie le mot « alliés, » si l’Empereur et les Anglais, « pour lesquels les Napolitains ont tant ou plutôt tout sacrifié, » ne se souviennent pas d’eux. C’est une leçon qu’elle ne pourra oublier.

Gallo craint, après ces confidences, qu’elle ne songe à s’éloigner de ses alliés naturels. Elle cherche à le rassurer. « Je désire, écrit-elle le 5 décembre, la convention qui resserre les liens de l’amitié solide entre la maison d’Autriche et Naples. Pour l’infamie de vaciller sur les promesses une fois faites, ce serait une morale buonapartienne. » Elle affirme que son caractère y répugne, car, « quoique petit individu féminin, » elle est grandement intéressée au vrai bien, et elle a, par estime d’elle-même, la bonne foi pour principe, — ce qui ne l’empêchera pas d’y manquer quand elle le croira utile à ses intérêts, ainsi