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Cependant, il ne pouvait l’empêcher de venir au Luxembourg apporter solennellement le traité de Campo-Formio et les innombrables drapeaux conquis par ses soldats, et de déclarer que la paix nouvelle achevait la liberté, la prospérité et la gloire de la République. Au nom du Directoire, Barras le remercia avec une effusion trop grande pour être sincère et s’écria « que la Nature avait épuisé toutes ses richesses pour créer Buonaparte. »

Le peuple enthousiaste acclama le général vainqueur, devenu son idole. Les manifestations furent telles que le héros comprit lui-même le danger auquel elles l’exposaient et proposa l’expédition d’Egypte que le Directoire accepta avec empressement, trop heureux d’éloigner un homme aussi inquiétant. Marie-Caroline, apprenant cette décision, en disait à Gallo : « Je vous avoue que je ne puis me décider à croire que l’expédition soit réellement destinée à l’Egypte. Je n’y croirai que lorsque je l’aurai vu. » Et pourtant cela était vrai. Mais Buonaparte avait compris et dit que c’était de l’Orient qu’étaient sorties les grandes gloires. Il allait y attendre les événemens à l’abri des jalousies et des trahisons qui l’auraient menacé en France, et préparer le grand coup qui devait le rendre plus sûrement maître du pouvoir, dont il avait rêvé déjà la possession dans la fumée du canon de Lodi et de Rivoli.

Parti le 19 mai 1798, il revient le 9 octobre 1799, et le 25, il est à Paris. Les 9 et 10 novembre (18 et 19 brumaire), il dit vouloir une République « fondée sur la vraie liberté et la représentation nationale, » dissout les Cinq-Cents, fait abolir le Directoire par le Conseil des Anciens et créer le Consulat où il sera Premier Consul, ayant pour collègues Roger-Ducos et Sieyès. La Constitution de l’an VIII lui assure à lui et aux deux autres Consuls un mandat de dix ans en leur accordant l’autorité absolue. C’est naturellement Buonaparte qui va l’exercer avec une activité prodigieuse. Le 14 juin 1800, après avoir franchi les Alpes, il remporte la victoire de Marengo, reprend la Lombardie, réorganise la République cisalpine et le 28 juillet, (un 9 thermidor plus glorieux que celui de l’an II), il signe les préliminaires de la paix avec l’Autriche. Le 9 février 1801, au congrès de Lunéville, la paix définitive est conclue.

L’expédition d’Egypte avait arrêté un moment la lutte personnelle entre Marie-Caroline et Buonaparte, mais, pendant ce