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condamne la conduite de son voisin qui ne vaut pas mieux que lui. Voilà la vérité pure et vraie. » Elle écrit le 8 novembre 1796 que le traité de Naples avec la République est ratifié par les Cinq-Cents et les Anciens, d’accord avec Buonaparte. Néanmoins, son cœur demeure toujours hostile aux Français et elle souhaite qu’Alvinzi et ses braves troupes balayent leurs soldats. Aussi, quelle est sa douleur quand, le 3 décembre, elle apprend la déroute d’Alvinzi ! « Ceci est inconcevable ! s’écrie-t-elle. Les plus belles troupes fournies de tout, une armée de misérables, et ce sont ceux-ci qui gagnent ! Cela n’est pas naturel. Je vous prie de me dire si Alvinzi est chef de loges, illuminé ou avide, car alors je comprendrais cette affreuse énigme ! » Le 15 décembre, elle répète qu’Alvinzi a levé le siège de Vérone pour obtenir de beaux sequins vénitiens. C’est le bruit qui court, car la retraite d’une armée nombreuse devant des troupes inférieures et mal outillées donne lieu à tous les soupçons. Elle affirme que Buonaparte, questionné pour savoir ce qu’il avait donné à Alvinzi, jura que ce général n’avait point trahi, « mais qu’il était une bête et que c’était dans son état-major qu’il y avait des coquins ! »

Trois mois après, elle convient qu’il n’y a que Buonaparte pour être ministre de la Guerre en Italie, « parce qu’il crée des Italiens et des soldats. » Elle s’inquiète des menaces dirigées contre Naples, malgré les avances du général de Canclaux venu en mission auprès de Ferdinand. Au lendemain du traité de paix signé par Naples avec la République, puis de la convention de Tolentino et de l’armistice de Léoben, elle se méfiait des complimens de Buonaparte et du Directoire. « Cela ne peut être par peur de nos petites forces, ni par amitié. Ils sont trop certains que nous n’en avons ni n’en aurons jamais pour eux. Je ne puis donc expliquer ce sentiment que par envie de nous tromper, endormir, surprendre. Il faut veiller et ainsi empêcher ces maux. » Gallo avait fait une démarche en ce sens auprès de Buonaparte et avait obtenu l’assurance que la Cour devait se tranquilliser. Marie-Caroline se demandait seulement quel était le plan du vainqueur et quel rôle le royaume des Deux-Siciles y devait jouer. Cela dépendrait sans doute des circonstances et du temps. « Le ton et les propos-de Buonaparte sont, écrit-elle le 15 octobre 1797, la preuve de ce qu’il médite et je commence vivement, mais très vivement, à désirer la