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confusion avec la Gisèle, fille de Lothaire, qui avait épousé sous Charles le Gros le chef normand Gottfried, investi de la Frise dans les mêmes conditions où Rollon reçoit la Normandie. L’idée est ingénieuse, d’autant plus que cette confusion se corse de la confusion entre Francon, évêque de Liège, et Francon archevêque de Rouen qui jouent un rôle identique. Ajoutons que Charles le Gros et Charles le Simple s’appellent tous deux Charles III. Une confusion n’est pas impossible, mais un concours de possibilités ne fera jamais une preuve historique. D’autres enfin, les plus sceptiques à l’égard de Dudon, ne voient là qu’une fiction destinée à flatter la famille ducale, fiction dont Dudon peut parfaitement être dupe, car il ne sait et ne raconte que ce qu’on veut bien lui dire. A l’appui de cette thèse on pourrait invoquer une variante du texte de Dudon qui indique Gisèle comme « issue d’un sang doublement royal, » utriusque progeniei semine regaliter exorta, au lieu de regulariter. C’est le texte que donne Duchesne dans ses Historiæ Normannorum Scriptores (1619). Lair dans son édition des Antiquaires de Normandie (Caen, 1865) a préféré regulariter, parce que l’autre leçon est trop absurde. Elle supposerait que Gisèle est fille d’Ogive, seconde femme de Charles le Simple, fille elle-même du roi d’Angleterre Edouard l’Ancien. Voilà qui serait tout à fait flatteur. Malheureusement, le mariage de Charles le Simple et d’Ogive est de 918 ou 919, mais Dudon n’est pas fort sur les dates.

En résumé, la seule chose certaine, c’est que Gisèle n’a pu être ni mariée, ni même fiancée à Rollon. Maintenant, cette histoire fantastique est-elle une simple invention destinée à rehausser le prestige de la famille ducale, ou résulte-t-elle d’une confusion avec la Gisèle de Lothaire, ou est-elle l’écho, dénaturé au bout d’un siècle, de quelque projet matrimonial entre la fille du roi et le fils du duc ? Ce sont trois hypothèses entre lesquelles chacun reste libre de choisir.

Avec le baptême de Rollon, nous sommes sur un terrain plus solide. Le fait même du baptême n’est pas douteux. Dudon nous en donne la date, lui qui n’en donne presque jamais. C’est de 912, probablement du commencement de l’année. Il n’y a pas non plus à douter que Robert, comte de Paris, ait joué le rôle de parrain, car une charte de Richard Ier, petit-fils de Rollon, dit formellement : mon grand-père Robert (avus scilicet meus Robertus nomine). Au reste, Rollon devait avoir d’autant