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Il l’ignore ; il n’est plus qu’un héros oublié
Dont la pitié n’entend jamais une pitié.

Et le jour naît ; le jour meurt pour renaître encore ;
Le châtié sourit un peu, quand vient l’aurore ;
Chaque matin ranime en lui le clair espoir,
Mais l’espoir agonise en son cœur, chaque soir.

— « Du moins ont-ils sauvé le Feu, la flamme sainte ?
Ou bien dans le roseau perdu s’est-elle éteinte ?
Le pâtre a-t-il compris ce qu’était mon trésor ?
L’homme a-t-il toujours froid ? est-il dans l’ombre encor ?
Au flanc d’un renne mal tué qui saigne et bouge
Mange-t-il la chair vive et boit-il le sang rouge ?
Que font là-bas, sans feu, sans mouvement, sans bruit,
Les hommes, tout au fond des gouffres de la nuit ? »


IX


Tandis que rêve ainsi, sous la voûte profonde
Sans étoiles, celui qui souffre pour le monde,
Un rayon tout à coup se reflète en ses yeux…
C’est qu’un astre lointain, qui n’est pas dans les cieux,
S’allumant tout là-bas, rayonne, — solitaire,
Et c’est bien une étoile, oui, — mais tombée à terre.
Une autre encor s’enflamme ; en voici deux, puis trois,
Puis vingt, — là près des mers, là sur le bord des bois ;
Partout les feux humains, qui naissent par centaines,
Scintillent, répondant aux pléiades lointaines,
Et changent, sous les yeux du martyr consolé,
La terre misérable en un monde étoile !


X


— « Je triomphe ! j’ai mis dans l’âme universelle
La tiédeur des foyers nés de mon étincelle ! »