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plus vite que les moyens de défense terrestre. Cette disproportion, qui semble devoir s’accuser encore, tend à rétablir l’équilibre, des deux côtés de la frontière maritime, entre les forces d’invasion transportables par mer et les forces locales qu’on peut leur opposer dans la plupart des cas. Quand bien même cet équilibre ne serait pas encore atteint, c’est assez qu’on s’en rapproche pour que le caractère des guerres navales et aussi terrestres s’en trouve modifié. Mais peut-on compter que la supériorité de la défense terrestre sur l’agression maritime soit partout assurée !

Que voyons-nous dans le dernier demi-siècle qui vient de finir ? L’importance croissante des opérations dites combinées, où la flotte et l’armée collaborent. C’est un débarquement qui amène la bataille navale de Lissa, un autre le massacre de l’escadre Cervera à Santiago ; c’est pour soutenir des débarquemens que les escadres japonaises livrent aux Chinois leur combat du Yalou ; pour en permettre d’autres qu’ils bloquent à Port-Arthur les navires russes et se jettent à Tsoushima sur Rodjetsventsky.

Il est vrai qu’en ces diverses circonstances, comme en celles que nous avons omis de rappeler, les débarquemens n’ont pris pied qu’en pays vacant ou sur des côtes mal défendues. L’expérience des Américains à Porto-Rico, celle des Japonais à Port-Arthur prouvent qu’actuellement les escadres semblent impuissantes contre les batteries de côtes bien armées et placées sur les hauteurs. Il y a donc des points invulnérables sur le littoral des grands pays comme la France où l’organisation défensive est complète. Mais ces points ne sauraient couvrir tout le front de mer, d’abord, à cause de la dépense excessive que nécessiterait la construction de forts aussi rapprochés ; ensuite, parce que les positions favorables ne se trouvent pas partout. Sur d’immenses étendues, les hauteurs font défaut ; et les batteries basses seront le plus souvent, quoi qu’on fasse, à la merci d’une attaque méthodiquement conduite par une escadre suffisante. Bien des plages en réalité ne sont commandées par aucun dispositif fixe de défense, comportant de la grosse artillerie.

En face de cet inévitable dénuement placez une escadre moderne avec la soudaineté de son approche, avec la puissance formidable de ses canons. En quelques heures, — et même, peut-on dire, en quelques instans, si elle apparaît au lever du jour, —