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côtes métropolitaines : tentative toute pareille à celle que nous avions amorcée en 1870 contre la Prusse, tentative qui figure assurément dans les plans de guerre du grand état-major allemand. Elle conviendrait d’autant mieux à notre ennemi qu’il dispose à la mobilisation de troupes beaucoup plus nombreuses que les nôtres.

Les armées actuelles sont si considérables qu’à partir d’un certain nombre, leur immensité même peut devenir une gêne. Il est donc indubitable que le général en chef allemand perdra moins que nous à distraire un corps de troupes pour une opération excentrique, d’autant plus gênante pour nous que, tombant par exemple sur nos côtes picardes ou normandes, elle y troublerait ou notre propre mobilisation ou du moins la concentration et l’approvisionnement des armées.

N’oublions pas, enfin, que le duel avec l’Allemagne isolée n’est pas la seule éventualité, ni même la plus probable qu’enveloppe le péril allemand. En cas d’une guerre entre la Duplice et la Triplice, une flotte austro-italienne menacerait nos communications avec l’Algérie et la Corse et pourrait aussi jeter des troupes sur nos côtes méditerranéennes. Contre l’Italie ou l’Autriche nos débarquemens seraient la riposte naturelle, celle qui paralyserait aux moindres frais la mobilisation contre nous.

Les débarquemens ne sont pas chose négligeable. Dans toute la partie de notre histoire qui va de Charlemagne à Louis XI, c’est de la mer que, Normands ou Anglais, vinrent nos plus redoutables ennemis. Plus tard, le progrès des armes et des transports terrestres rendit plus efficace la défense contre les faibles effectifs embarquables à bord des flottes à voiles. Et comme le développement économique n’exigeait pas, autant qu’aujourd’hui, un immense ensemble de communications au-delà des frontières, les pays assaillis par mer réussirent à vivre sur eux-mêmes sans trop grand dommage. C’est ainsi qu’au XVIIIe siècle les insultes des escadres anglaises, si douloureuses fussent-elles, ne menacèrent jamais profondément la sécurité de la France continentale.

Depuis lors le problème a changé une seconde fois par l’emploi de la marine à vapeur et le développement extraordinaire des armemens maritimes. La puissance de transport de la marine et sa puissance d’attaque contre les côtes croissent