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de la France, l’alimentation de nos régions du Nord et de l’Ouest, les usines de Lille ou de Nantes et jusqu’au fond de la Bretagne, assurées, à défaut de la mer, par voie ferrée, depuis la frontière d’Italie ou d’Espagne ? Sur ces lignes transversales, si rares, accoutumées à un faible transit, il faudrait lancer des trains aussi rapprochés que ceux de notre banlieue parisienne. Tout manquerait pour cela. Et le trouvât-on, que le moindre accident jetterait le désordre dans cette organisation improvisée et surchargée.

Par ailleurs, le parfait fonctionnement des chemins de fer serait lui-même insuffisant à conjurer la crise. Ce n’est pas tout en effet pour l’industrie que de se procurer au dehors ses matières premières et d’y faire parvenir ses produits. Il faut que, vis-à-vis de la concurrence, sa production reste, à prix égaux, rémunératrice. Elle ne peut donc consentir à une notable élévation des frais de transport. Ce serait pourtant le résultat du voyage nouveau imposé aux marchandises, pour aller chercher par un plus long chemin, au travers d’un pays voisin, l’aboutissement de lignes ferrées, qui ne transportent qu’à des prix bien supérieurs à ceux du fret maritime. Et encore ne serait-ce pas en quelques semaines, comme il le faudrait, surtout en quelques semaines de guerre, qu’on pourrait détourner des courans commerciaux aussi considérables. Chaque région agricole ou industrielle a sa clientèle qu’elle ne peut ni sacrifier tout à coup, ni trop indisposer, pour répondre brusquement aux offres d’un client d’occasion. Les livraisons et les achats sont souvent même soumis à des contrats à long terme qui s’opposeraient à tout changement immédiat. Quant à nos fournisseurs habituels dans les pays neutres nos voisins, il leur serait difficile de nous fournir beaucoup plus qu’à l’ordinaire.


IV

Nous n’avons examiné que le rôle de la mer comme intermédiaire de transport pour les matières indispensables à la vie générale de la nation. Il peut s’y faire des transports de guerre aussi, dont, en certains pas, nous aurions à tenir grand compte. Il s’agirait ici non plus seulement de conserver le libre passage sur la mer, mais d’y interdire les entreprises militaires ennemies. Car si nous n’en sommes pas maîtres, c’est qu’elle appartient à