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a servi de prétexte. « Je veux parler, a-t-il dit, sur le désarmement et sur l’arbitrage. Le ministre anglais a exprimé l’avis qu’un échange réciproque de notes, au sujet des constructions navales des deux pays, mettrait à l’abri des surprises, parce que les deux pays auraient la conviction de n’être pas dépassés l’un par l’autre. Les autres puissances seraient fixées par là sur les rapports de l’Angleterre et de l’Allemagne, et ainsi cet échange de l’enseignement serait profitable, d’une façon générale, à la cause de la paix. Nous pouvons nous rallier d’autant plus vite à cette idée que notre programme de constructions navales a toujours été exposé ouvertement, et nous nous sommes déclarés prêts à nous entendre sur ce point avec l’Angleterre dans l’espoir que cela amènerait dans les esprits le calme attendu. » En d’autres termes, l’Allemagne est toute disposée à adresser des notes à l’Angleterre pour lui faire part des projets que son gouvernement dépose publiquement au Reichstag, et cela en effet est sans inconvénient. Maison a entendu autre chose par désarmement : on a entendu la limitation réciproque et concordante des arméniens, et c’est sur quoi le chancelier impérial s’est expliqué en toute franchise.

M. de Bethmann-Hollweg n’a pas l’abondance oratoire, la grâce aisée, la souplesse d’esprit de son prédécesseur, mais il a un bon sens robuste, il dit bien ce qu’il veut dire et on sent chez lui une droiture qui inspire confiance. Il s’est demandé comment on pourrait limiter les armemens des diverses puissances et à cette question il n’a pas encore trouvé de réponse. Quelle serait la règle à appliquer ? Si on nous demandait par exemple, dit-il, de diminuer notre armée de dix mille hommes, de combien les autres armées devraient-elles être diminuées ? Sur quoi s’appuierait-on pour évaluer ce chiffre ? Sur la population, sur les intérêts économiques, sur les intérêts politiques des diverses nations ? Sur tout cela sans doute : il faudrait que la puissance générale, la situation mondiale de toutes les nations lût fixée. Y en aurait-il une seule qui y consentirait ? Une prétention de ce genre, si on essayait de l’imposer, déchaînerait vraisemblablement les guerres qu’elle aurait pour but de prévenir. Et qui donc pourrait interdire à une nation quelconque, grande ou petite, de faire un effort vigoureux, héroïque même, pour mettre ses forces militaires au niveau de sa politique ? L’histoire est pleine d’exemples de ce genre et elle a l’habitude de les admirer. Toutes les nations ont été constituées par des efforts glorieux de ce genre et celles qui sont encore en formation, ou qui ont des malheurs à réparer, ne réaliseront pas autrement leurs aspirations légitimes. On ne voit pas le moyen