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septuagénaire s’acharne à condenser dans cette figure cinquante années d’expériences. C’est l’heure où du fond de son enfance lui revenait la fée des transparences profondes, la nymphe jadis entrevue aux torrens de Vizille : tous les problèmes du modelé à travers l’ « enveloppe, » cet art de fixer l’apparence dans un milieu fluide, d’exprimer l’atmosphère sans sacrifier la forme, de rendre l’impalpable, le furtif, l’ondoyant, la magie de la vie, cette exécution mystérieuse qui est le dernier mot des maîtres, voilà ce qu’il cherchait avec une patience invincible. Il était « insatiable de perfection. » Ses lettres nous font assister à cette lutte pathétique. « Chaque jour je remonte à l’assaut de l’impossible : c’est là tout le bonheur. » Il ne voulait s’arrêter que devant l’absolu. Jamais il n’en avait fini avec l’œuvre chérie. Jamais il ne lui avait donné la dernière caresse. Spectacle émouvant que celui de cet ancêtre possédé par son rêve et s’obstinant à peindre l’admirable Furie, là-haut, sur le campanile de la Villa Médicis, dans un ciel convulsif où passent des catastrophes, et évoquant la gloire et le courroux de Rome, au bruit sourd de la pioche des vandales et des démolisseurs.

Ce fut son testament. Je ne dirai rien ici de ses quinze dernières années. Le glorieux maître était revenu à Paris. A l’âge du Titien, il travaillait encore. Il inaugure même une nouvelle « manière. » Ses derniers portraits, si subtils, un peu féeriques dans leur lumière un peu glauque, font penser à un nouveau « Maître des demi-figures féminines, » qui serait un décadent extrêmement raffiné.

M. Peladan a écrit naguère un article intitulé : l’Exemple d’Hébert. C’est bien le mot qu’il faut dire. Il y a des gloires plus populaires que celle-là : il n’y en a pas de plus solides. De toutes celles du jour, combien survivront ? Le temps respectera Hébert. Son art est un peu limité : un art qui ne connaît que la femme, ne s’intéresse ni aux drames de la vie, ni au monde des idées, manque de vraie tendresse, d’humanité profonde. Du reste, peut-être ces lacunes sont-elles en partie volontaires. Il n’eût tenu qu’à Hébert, on le voit par ses dessins, d’être, s’il l’avait voulu, un des paysagistes les plus parfaits du siècle. Mais une plus haute idée de l’art, la préoccupation des problèmes ardus de la construction et de la forme, la décision d’arriver aux solutions définitives, concentrèrent ses études sur la figure humaine, et uniquement sous son aspect d’ « Éternel féminin. » Cette œuvre voluptueuse a un côté de désintéressement et même d’austérité.

Et il y a une chose que ce peintre nous enseigne : c’est le respect de l’art. Dans notre temps de hâte, de rapidité, d’ « impressionnisme, »