Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/902

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui dura vingt et une heures et demie. La peine de six ans de transportation fut commuée en simple emprisonnement à Mandalé, par égard pour son âge et son état de santé. Les émeutes causées par l’arrestation et par le verdict furent énergiquement réprimées. La condamnation eut un résultat considérable ; elle désorganisa la rébellion, à qui manqueront désormais un chef habile et l’unité de direction. Un journaliste indigène du Deccan avouait en effet, quelques mois plus tard, que « l’éloignement de l’éminente personnalité de M. Tilak jetait toute la province dans la consternation et décourageait les autres chefs. »

Tandis que Tilak, par son action personnelle et celle de ses disciples, créait le parti anti-anglais dans le Deccan et dans le Bengale, qu’il lui donnait un plan, un but et des ressources, Shyamagi Krishnawarma, par des moyens différens, semait la désaffection dans les Provinces-Unies et le Punjab. Né en 1857 dans le Kutch, élève et gradué de l’Université d’Oxford où il fut professeur de sanscrit et fondateur d’une chaire pour l’étude spéciale d’Herbert Spencer, délégué du gouvernement britannique aux Congrès orientaux de Berlin et de Leyde, il avait profité d’un séjour dans l’Inde, où il fut successivement premier ministre dans trois Etats indigènes, pour donner une vie nouvelle et une orientation précise à l’Arya Samaj, fondé à Bombay par Swami Dayanand Saraswati. Avec lui, l’influence occidentale inspire l’œuvre sociale de l’association, dont le but primitif était la réforme de l’hindouisme dans un sens anti-étranger. Il encourage l’éducation féminine, il améliore le sort des veuves et condamne les mariages d’enfans qui ont causé à la société hindoue tant de dommages physiques et moraux. Mais, en même temps, l’idéal politique de l’Arya Samaj est clairement défini par « une forme de gouvernement national absolument libre et indépendant. » Et, pour l’atteindre, l’association est lancée dans une expérience d’éducation populaire à longue échéance, d’un genre particulier et dont les résultats pourront être immenses. Actuellement les pronostics en sont plutôt pessimistes, car l’esprit de la formation des brahmacharis et des chelahs dans les gurukuls n’est guère rassurant. L’auteur de Indian Unrest traduit cette impression en disant : « L’évolution de l’Arya Samaj rappelle avec force celle du Sikhisme… Sous son influence, le Punjab peut être considéré comme une région douée d’une plus grande puissance de discorde que le Bengale et le Deccan. »