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Congrès national, il avait séduit les sensibles Bengalis et, pendant les mémorables années 1905 et 1906, il avait été « la personnalité dominante de l’Assemblée, non pas à la tribune, mais dans les couloirs. » Cependant, malgré l’appui enthousiaste d’hommes comme A. Ghose et B. C. Pal, qui se déclaraient ses disciples politiques, bien que leurs points de départ sociaux et religieux fussent différons, il ne put faire adhérer officiellement le Congrès à la doctrine swadeshiste du boycottage. Sa vengeance fut rapide et cruelle. En tacticien consommé, pour qui les manœuvres parlementaires n’ont pas de secret, il fit une obstruction acharnée, détruisit l’autorité de Banerjee et de Gokhale, ses principaux adversaires qu’il devinait « ralliés, » et provoqua, pendant la réunion de Surate en 1907, une scission irréparable qui ruine pour toujours le prestige du Congrès.

En portant au Congrès national des coups si funestes, Tilak ne songeait qu’à faire l’opinion publique juge entre les Extrémistes et les modérés. Les élémens jeunes et combatifs lui donnèrent raison. L’agitation anti-anglaise devint aussitôt plus violente et plus efficace, grâce aux progrès des « Volontaires nationaux » et des organisations qui se multipliaient au Bengale sur le modèle de celles du Deccan. Par ses relations avec les foules ouvrières des grandes villes, et surtout de Bombay, où le développement des usines cotonnières créait un prolétariat jusqu’alors inconnu dans l’Inde ; par ses « Ecoles nationales, » indépendantes des subventions et du contrôle de l’Etat ; par la générosité des concours financiers, volontaires ou forcés, qui venaient alimenter les caisses du Swaraj ; par la fascination qu’il exerçait sur tous ; par sa réputation de sympathie pour les castes opprimées, de grande science dans les philosophies de l’Est et de l’Ouest, Tilak était en 1908 à l’apogée de sa puissance et paraissait « plus apte que tout autre politicien hindou à la direction générale d’un mouvement révolutionnaire. »

Au Bengale, ses disciples A. Ghose et B. C. Pal entraînaient les masses de mécontens. « Arya aux Aryens ! était le cri de guerre des meneurs dont le fanatisme trouvait dans l’histoire sacrée des Baghvat Gita, non seulement la charte de l’indépendance indienne, mais aussi la sanctification des moyens les plus violens employés contre les étrangers. » La création d’une province nouvelle avec le Bengale Oriental et l’Assam détachés du Bengale avait été le signal d’une agitation telle que l’Inde n’en