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révolutionnaires auxquels ils doivent leur influence et leur notoriété ; ils ont entraîné une foule de fidèles, ralliés avec eux au principe de l’opposition constitutionnelle qui n’a jamais effrayé les Anglais.

Mais, dans l’Inde comme en Europe, les masses populaires ne s’arrêtent pas aisément dans la voie de la violence où leurs chefs, enfin assagis ou satisfaits, les ont lancés au temps de la jeunesse et des ambitions. Si les « ralliés » s’apaisent, les « irréconciliables » restent nombreux et actifs. Qualifiés aujourd’hui d’anarchistes, ils-ne cessent de multiplier les manifestations de leur patriotisme exalté. Ils sont assez turbulens, sinon assez redoutables, pour justifier le maintien indéfini des lois répressives ayant un caractère provisoire, que lord Minto promulgua successivement dans toutes les provinces de l’Inde pendant l’agitation qui précéda l’Indian Councils Act. Et dans le développement de leur campagne anti-anglaise, les chefs actuels d’un nationalisme toujours expirant et toujours vivace s’efforcent de copier et de continuer leurs modèles et leurs maîtres, Tilak et Krishnawarma.

Tilak, né vers 1845 dans le Deccan, appartient à la caste des brahmanes Chitpawan qui, depuis la chute de leur royaume de Peishwa, sont les ennemis irréductibles de la domination britannique. M. Valentine Chirol, dans son étude sur l’Indian Unrest, n’hésite pas à le présenter comme l’adversaire le plus dangereux des Anglais par son génie d’intrigue, l’ardeur de ses convictions, son inlassable activité, sa persévérance et l’habileté de ses combinaisons. En 1880, après avoir brillamment obtenu à Bombay ses grades universitaires, Tilak se lança dans la politique et se fit dès lors le champion d’un nationalisme agressif, par opposition à l’élite intellectuelle, dont Justine Ranade était le chef, qui estimait inutiles et prématurées les revendications politiques tant que les institutions sociales des Indiens de toutes croyances ne seraient pas en harmonie avec les modèles occidentaux. Exclu de l’Education Society, fondée par son rival et peu sympathique à ses tendances, la promulgation de l’Age of Consent Bill, sur le mariage des enfans, facilita sa rentrée en scène. Dès 1890, il dénonça dans son journal Kesari Ranade et ses disciples comme des renégats. Il gagna ainsi l’appui de l’orthodoxie conservatrice et put faire pénétrer sa propagande dans les collèges et les écoles par