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incidens de frontière. Par exemple, les conséquences de la Révocation de l’Edit de Nantes reviennent à plusieurs endroits et sans qu’il y ait accord parfait. Ainsi M. Lavisse écrit : « Plus de 200 000 Français s’exilèrent » (tome VII, vol. 2. page 80). Plus loin, parlant du même événement, M. Rébelliau nous dit : « De 1680 à 1720 le nombre des Français qui s’en vont peut être évalué à près d’un million » (tome VIII, vol. I, page 343). Ce n’est pas positivement contradictoire, car les chiffres de M. Rébelliau s’appliquent à une période plus longue que celle à laquelle a sans doute songé M. Lavisse ; mais, à première vue, ce n’est pas concordant. Rien n’est du reste établi sur ce point. M. Lavisse, dans une conférence faite tout récemment à l’Ecole normale primaire d’Auteuil, donne une troisième évaluation : « 250 000 protestans aimèrent mieux s’en aller dans les pays étrangers que de se faire catholiques. » D’autre part, des recherches minutieuses ont abouti à 184 000 réfugiés, rien que pour la Normandie, entre 1685 et 1700, ce qui se rapproche davantage de l’hypothèse de M. Rébelliau. Ce n’est pas le lieu de traiter cette question : nous avons seulement voulu montrer que le lecteur de l’Histoire de M. Lavisse risque parfois d’être embarrassé entre des assertions divergentes. Il y a aussi quelques doubles emplois, mais ils ont moins d’inconvénient. On se consolera de trouver deux fois les mêmes détails sur la querelle de Louis XIV et du pape Innocent XI ou sur l’établissement de la dynastie capétienne. Il semble enfin qu’une règle uniforme n’ait pas été adoptée pour la transcription des noms de lieux anciens en leurs équivalens modernes. Voici, par exemple, à propos des translations de reliques à l’époque des invasions normandes, un « Messac en Poitou » qui s’appelle en réalité : Messais. Or il se trouve en France des Messac. Et comment reconnaître au premier abord dans « Saint-Porcien en Auvergne » la petite ville de Saint-Pourçain (Allier) ?

Nous nous reprocherions d’insister sur ces légères imperfections, dont le public ne s’apercevra guère, car un ouvrage de ce genre n’est pas de ceux qu’on lit généralement d’un trait. Voyons plutôt ce que M. Lavisse a voulu mettre dans son histoire, ce qu’il y a mis, en quoi elle est originale, en quoi cette nouvelle histoire est une histoire nouvelle.

« La meilleure partie de nos annales, la plus grave, la plus instructive, disait Augustin Thierry en 1820, reste à écrire :